BIODOC 25 – Chicorée dans les près

  • chicoree dans les près permaculture (1)Avec l’aimable autorisation de Joseph Pousset, nous partageons avec vous aujourd’hui la fiche BIODOC n°25 :

    Chicorée dans les prés…

    Les maraîchers et les jardiniers cultivent depuis longtemps la chicorée. Dans la pratique et en simplifiant on peut distinguer par commodité la chicorée endive (Cichorium endivia) et la chicorée sauvage (Cichorium Intybus) cette ancienne classification me semble toujours d’actualité car elle a le mérite d’être claire et correspond à une réalité botanique. Les chicorées appartiennent à la famille des composées.

    Nous verrons plus loin que, paradoxalement, Cichorium endivia ne nous fournit pas les « endives » mais elle comporte de nombreuses variétés que l’on peut diviser en gros en deux groupes : les chicorées frisées et les chicorées scaroles. Les premières possèdent des feuilles très divisées, les secondes des feuilles à peu près entières et plus ou moins ondulées.

    La chicorée endive est annuelle, sa tige florale mesure habituellement entre 0,50 m et 1 m. elle se cultive sous abri ou en pleine terre. Elle est réputée pour être surtout une salade d’hiver mais si on choisit bien les variétés et les techniques de culture on peut consommer des chicorées frisées ou scaroles pendant presque toute l’année sous le climat de la région parisienne.

    Quant à la chicorée sauvage elle fait partie, comme son nom l’indique fort justement, de la flore indigène spontanée de nos régions (Europe, Asie). C’est une plante vivace qui subsiste probablement quatre ou cinq ans en conditions ordinaires. Elle forme une touffe, un peu comme le pissenlit. Ses feuilles ont une forme assez variable mais globalement plus ou moins « roncinée » (c’est-à-dire avec des lobes assez aigus orientés vers le bas) et lancéolée (forme allongée chicoree dans les près permaculture (7)d’un fer de lance).

    Elle mesure en moyenne une vingtaine de centimètres et est souvent d’un vert assez foncé, surtout en terre riche la tige florale mesure souvent plus d’un mètre et porte de nombreux rameaux raides et divergents sur lesquels s’épanouissent les fleurs d’une belle couleur bleue (de juillet à septembre dans les conditions naturelles).

    La chicorée sauvage est assez polymorphe. Elle change plus ou moins d’apparences en fonction des milieux où elle pousse. Dans le sud de la France, par exemple, ses fruits (achaines) portent des écailles allongées particulièrement développées. On remarque encore que la plante est plus ou moins duveteuse.

    Cette aptitude apparente à la polymorphie de la plante sauvage a peut-être favorisé l’apparition de variétés cultivées d’allure très différentes les unes des autres.

    On peut grossièrement classer ces variétés en trois catégories : celles dont les feuilles sont particulièrement développées et colorées (barbe de capucin), celles qui peuvent former de petites pommes (qu’on appelle couramment les endives), enfin celles qui produisent de grosses racines servant à préparer une boisson (chicorée à café).

    Notons donc bien que les « endives » que nous consommons en salade ne proviennent pas de Cichorium endivia mais de Cichorium Intybus.

    Une utilisation fourragère déjà ancienne

    Les chicorées sont ainsi connues comme culture potagère et industrielle. L’utilisation de la chicorée sauvage pour l’alimentation des animaux ne date pas d’aujourd’hui non plus. Je ne saurais pas dire quand elle a débuté mais en Haute Bretagne la production de cette salade dite « à lapins » est pratiquée depuis longtemps : semis à 50 ou 60 grammes par are en lignes espacées d’une trentaine de centimètres.

    La culture se maintient généralement trois ou quatre ans et les feuilles sont récoltées régulièrement quand elles sont suffisamment développées.

    Je parle au présent mais j’ai cependant conscience que je devrais plutôt utiliser l’imparfait car beaucoup de jeunes jardiniers ne connaissent pas la chicorée sauvage (et les éleveurs amateurs de lapins se sont beaucoup raréfiés !)

    Dans les prairies : un emploi moins répandu et moins éprouve

    Le semis de chicorée dans les herbages n’a pas, à ma connaissance, été pratiqué couramment dans le passé.

    Il semblerait que les Néozélandais s’y sont intéressés les premiers au cours des années 1980. Certains herbagers anglais le pratiquent également et des essais ont été conduits au Canada français au début des années 2000.

    Dans la plupart des cas les résultats obtenus sont intéressants.

    Une bonne résistance à la sécheresse et au gel

    Toutes les observations réalisées en France et à l’étranger concordent : la chicorée sauvage résiste bien au froid et à la sécheresse, que ce soit dans la nature ou dans le cadre des cultures. Pas de mystère : la profondeur et le volume de l’enracinement expliquent cette aptitude.

    Ne pas exagérer cependant : la chicorée a besoin d’un minimum d’eau et des observations québécoises ont montré qu’un froid intense sur terrechicoree dans les près permaculture (6) préalablement humide peut « déchausser » les plants de chicorée. Mais ici nous sommes en France et ne connaissons pas les très basses températures canadiennes.

    ATTENTION AUX TERRES ASPHYXIANTES

    Personne n’est parfait : Cichorium Intybus craint les terres mal aérées et humides où sa racine se développe mal et risque de pourrir. Elle est au contraire particulièrement à l’aise dans les terres légères séchantes en surface mais possédant une nappe d’eau à une certaine profondeur. En cela elle se comporte d’une manière similaire à la luzerne.

    Les autres caractéristiques du terrain (pH, granulométrie, exposition…) ne me paraissent pas présenter une influence marquée (des observations plus nombreuses seraient cependant bienvenues).

    Une persistance remarquable

    Les observations sur la chicorée comme « salade à lapins » montrent une bonne persistance pendant 2 à 4 ans. On peut espérer la même dans les prairies. Ce que semble confirmer l’expérience des éleveurs étrangers, notamment néo-zélandais ; à préciser dans le cas de la France.

    UNE VALEUR ALIMENTAIRE INTÉRESSANTE

    Les qualités nutritionnelles de la chicorée pour le bétail semblent mal connues et restent donc à préciser. Des études canadiennes tendent cependant à montrer qu’elles seraient tout à fait convenables : environ 25 % de protéines brutes et une forte teneur en éléments minéraux (potassium, calcium, soufre, sodium, bore, zinc.).

    Si la plante est consommée au bon stade la digestibilité serait excellente.

    UN RENDEMENT ÉLEVÉ

    Les productions observées au Québec de la chicorée cultivée pure varient d’environ 6 à 13 tonnes de matière sèche par hectare.

    Elle doit donc logiquement augmenter le rendement des prairies auxquelles elle est associée. À condition cependant qu’elle y a sa place, c’est-à-dire qu’elle soit introduite dans des herbages où ses qualités particulières, notamment sa résistance à la sécheresse, sont utiles.

    Elle a évidemment moins d’intérêt dans les parcelles où les graminées et légumineuses prairiales habituelles ne se heurtent pas à des facteurs limitants et expriment pleinement leurs potentialités. On pourrait tout de même en rechercher une petite proportion à titre thérapeutique.

    DES PROPRIÉTÉS MÉDICINALES INTÉRESSANTES ?

    La chicorée est considérée en phytothérapie comme un stimulant de la digestion et du transit intestinal.

    chicoree dans les près permaculture (5)Elle améliorerait également le fonctionnement du foie et de la vésicule biliaire et serait en outre diurétique.

    Certains éleveurs anglo-saxons lui attribuent aussi un effet vermifuge qui, à ma connaissance, mériterait confirmation.

    UNE APPÉTENCE TRÈS CONVENABLE

    A priori un plant de chicorée fleurie ne paraît pas tendre et appétent. Pourtant l’expérience des éleveurs anglo — Saxons montre que la plante est consommée même à ce stade si la technique de pâturage est correcte.

    UNE TECHNIQUE DE RÉCOLTE ADAPTÉE

    Si le pâturage de la chicorée fleurie est possible et pratiqué avec succès comme j’ai pu l’observer chez des éleveurs anglais lors d’un voyage avec un groupe de Français en septembre 2011. Il n’en reste pas moins que la plante est évidemment plus appétente au stade feuillu.

    Un temps de pâturage bref (un ou deux jours) et un chargement instantané important permettent une récolte à peu près sans refus. C’est le système de pâturage « raisonné » que préconisait déjà André Voisin il y a plus d’un demi-siècle.

    Les prairies comportant de la chicorée peuvent également être ensilées sans difficulté particulière.

    Faire du foin avec un fourrage comportant beaucoup de chicorée est plus délicat : séchage difficile des tiges, risque de perte de feuilles…

    Si des refus apparaissent les faucher soigneusement est prudent pour faire apparaître rapidement de nouvelles feuilles appétentes.

    En un mot comme en cent : une bonne récolte de la chicorée est « intensive » avec coupes ou pâturages fréquents, sans excès bien sûr car on doit tenir compte des autres plantes prairiales et de la proportion de chicorée dans la parcelle.

    UNE BONNE TECHNIQUE D’INSTALLATION DE LA JEUNE PRAIRIE

    Les jardiniers sèment parfois la chicorée sauvage en culture pure à forte dose. Or les graines sont très petites puisqu’on en compte environ 700 dans un gramme. Un éclaircissage est alors nécessaire.

    La réussite de l’installation de la chicorée exige une terre bien préparée et rappuyée sans excès comme pour la mise en place des prairies. Roulage ou hersage léger après le semis sont utiles sauf en période pluvieuse. Semis en lignes ou semis à la volée sont envisageables. Le semis à la volée présente toutefois l’avantage de mieux répartir les graines. Tous les semoirs précis qui distribuent les graines de manière homogène à une profondeur régulière sont utilisables. La profondeur du semis doit bien sûr être faible (moins d’un centimètre). Dans ces conditions cinq ou six kilos de semences par hectare suffisent.

    Mais en culture fourragère on a intérêt la plupart du temps à associer la chicorée à des graminées et à des légumineuses dans le cadre des nombreux mélanges prairiaux habituels dont la composition est choisie selon le terrain, le climat, le type d’exploitation, les animaux à nourrir.

    Exemples : fléole (10 kg/ha) + trèfle blanc (3 kg/ha) + chicorée (5 kg/ha) en terrain humide sans excès gardant bien la fraîcheur en été. Ou ray-grass anglais (12 kg/ha) + trèfle blanc (3 kg/ha) + chicorée (5 kg/ha) en bon terrain sain. Ou encore dactyle (5 kg/ha) + ray-grass anglais (6 kg/ha) + lotier (3 kg/ha) + trèfle blanc (3 kg/ha) + chicorée (5 kg/ha) en terre convenable mais craignant la sécheresse en été (situation où la chicorée est particulièrement utile), etc.

    EN TERRE NUE OU SOUS COUVERTchicoree dans les près permaculture (3)

    Chacun sait qu’une prairie peut être semée en terre nue, par exemple après la moisson des céréales ou sous couvert d’une culture, généralement une céréale, si possible pas trop couvrante, d’hiver ou de printemps.

    La chicorée sauvage, pure ou mélangée à des espèces prairiales, se sème elle aussi en terre nue ou sous couvert.

    AU PRINTEMPS OU EN FIN D’ÉTÉ

    Là aussi la chicorée est à l’image des graminées et légumineuses prairiales : on peut l’installer au printemps quand les gelées sérieuses ne sont plus à craindre ou en fin d’été, pas trop tard pour que les premiers froids ne détruisent pas les plantules.

    UN ENRICHISSEMENT DES PRAIRIES DÉJÀ EN PLACE

    La chicorée peut donc être installée dans les nouvelles prairies. On peut aussi la mettre en place dans les herbages déjà en place.

    Pour cela on opère de la même façon que pour régénérer le tapis herbeux sans le retourner (document biodoc n° 10).

    Dans la plupart des régions la meilleure période d’intervention se situe entre la mi-août et la mi-septembre : pâturage ou fauche ras, griffage superficiel mais énergique de la prairie avec tout outil approprié (herse déchaumeuse, fraise à lames droites réglée « peu profond », cultivateur léger muni de couteaux spéciaux.). La herse étrille habituelle est trop peu énergique pour ce travail dans beaucoup de cas.

    Le sol ne doit pas être bouleversé mais suffisamment de terre fine doit être apparente.

    Le semis intervient ensuite, si possible à la volée avec un semoir à mécanisme de distribution précis pour une répartition homogène des graines.

    On termine par un roulage énergique sauf si une période pluvieuse significative survient juste après le semis et entraîne une germination rapide des graines et le démarrage des plantules.

    Une autre solution est d’utiliser les semoirs spécialement conçus pour le sursemis des prairies. Contrairement à ce qu’on pourrait attendre d’un matériel spécialisé et coûteux les résultats, tout au moins ceux que j’ai pu observer, ne sont pas toujours à la hauteur.

    Les semences de chicorée peuvent bien sûr être mélangées à des graines de plantes prairiales ou même d’engrais vert (document biodoc n° 10) ou encore de végétaux susceptibles d’améliorer momentanément la productivité de l’herbage (biodoc n° 24).

    Le praticien dispose donc d’un choix varié de manières d’opérer ; à lui de trouver celles qui conviennent le mieux à son terrain, au climat de sa région, à l’année, au type d’animaux qu’il élève…

    Un peu de recul est encore nécessaire pour cerner plus complètement l’intérêt de cultiver la chicorée fourragère dans les prairies mais dans nos régions les risques probablement accrus de sécheresse estivale dus au dérèglement climatique augmentent malheureusement déjà cet intérêt.

    Source : Joseph Pousset

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