BIODOC n°1 – Associations de céréales et de légumineuses

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    Avec l’aimable autorisation de Joseph Pousset, nous partageons avec vous aujourd’hui la fiche BIODOC n°1 :

    Associations de céréales et de légumineuses : quelques éléments importants pour réussir

    La pratique des associations de céréales et de légumineuses à récolter en graines ou en vert est courante en agriculture biologique. On a pris l’habitude de désigner ces associations : « mélanges céréaliers », terme impropre puisqu’il désigne au sens strict le mélange de plusieurs céréales uniquement, alors qu’ici on mélange des céréales et d’autres cultures qui ne sont pas des céréales.

    Une association d’orge et d’avoine est un véritable mélange céréalier. Un groupement de plusieurs variétés de blé également quoique dans ce cas on devrait plutôt parler de mélange variétal…

    Cette petite mise au point réalisée notons que les associations de céréales et de légumineuses ne sont pas récentes. On les pratiquait dans l’ouest de la France (et sans doute ailleurs) au moins dans la première moitié du 20e siècle. D’ailleurs le biologiste finlandais Virtanen, prix Nobel de chimie en 1945, avait montré à l’époque l’intérêt des associations de graminées et de légumineuses. Il avait en effet mis en évidence l’absorption par les graminées d’acides aminés fabriqués et excrétés dans le sol par les légumineuses.

    1/De sérieux avantages

    Les « mélanges céréaliers » présentent des avantages maintenant assez bien connus, surtout dans le milieu « bio ». Rappelons-les brièvement :

    • Des besoins modestes en azote

    dus bien sûr au fait que les légumineuses fixent l’azote atmosphérique.

    • Une excellente résistance aux mauvaises herbes

    cereales et légumineuses (9)Leur caractère « étouffant » est à juste titre souvent mis en avant. Il ne s’exerce toutefois pleinement que s’ils sont bien réussis. Cela peut paraître aller de soi mais il n’est pas inutile de le rappeler. Un mélange céréalier souffreteux se salit comme n’importe quelle culture.

    • Une meilleure « utilisation » et une amélioration du sol

    Ils entretiennent un microclimat doux et humide favorable au développement de la vie du terrain. On pourrait penser que ce microclimat risque aussi de favoriser des maladies cryptogamiques comme le piétin. En fait l’expérience prouve que l’apparition de ces maladies est rare contrairement à ce qui se passe parfois dans les cultures de céréales pures semées trop dru et surtout, ayant reçu des apports excessifs d’azote (minérale ou organique). Leur important système radiculaire, proportionnel aux parties aériennes, travaille la terre et améliore sa structure.

    • Une bonne productivité

    Les espèces associées se complètent et s’entraident. En cas de conditions climatiques défavorables les chances de mauvaise récolte sont réduites car il est assez rare que parmi les espèces semées aucune ne donne un résultat au moins convenable.

    En bonnes conditions il arrive que des mélanges céréaliers donnent plus de soixante quintaux par hectare en culture biologique.

    • Un enrichissement du sol

    Grâce à l’azote qu’elles apportent les légumineuses enrichissent le terrain.

    La quantité de paille produite est souvent importante et lorsqu’on la retourne correctement au sol (directement ou sous forme de fumier) elle constitue un apport intéressant de matière organique.

    • Un allongement et un assouplissement des rotations

    Les mélanges céréaliers améliorent la structure du sol, nettoient ce dernier, laissent de l’azote et des matières organiques.

    Ils permettent donc d’allonger la rotation et d’y inclure éventuellement davantage de pailles. Ceci est intéressant, notamment dans les fermes céréalières sans ou avec peu de bétail. Sous cet angle on peut les considérer comme des relais de rotation. Il convient toutefois de ne pas abuser en « relançant » de façon exagérée une même rotation avec des mélanges céréaliers.

    • Des concentrés alimentaires tout préparés

    Le mélange de graines de céréales et de légumineuses, automatiquement réalisé, constitue un bon aliment complémentaire pour plusieurs espèces animales, notamment les vaches laitières.

    Toutefois sa composition à la récolte, difficilement maîtrisable, n’est pas forcément celle qui convient pour établir la ration dont on a besoin. On peut alors être amené à ajouter, selon les cas, grains de céréales ou de légumineuses pures.

    • Grâce à leurs qualités culturales ils facilitent la conversion des fermes sans bétail Cela résulte, en gros, de tout ce que nous venons de dire précédemment.

    2/Quelques inconvénients

    Toute médaille a son revers. Les mélanges céréaliers présentent parfois quelques inconvénients, plus ou moins nets selon les situations.

    Leur réussite régulière demande une certaine habitude. Il faut souvent tâtonner un peu pour trouver le ou les mélanges convenant le mieux au terrain, à la région où on se trouve et aux objectifs que l’on poursuit. Cela peut exiger un certain temps et suppose parfois quelques échecs ou demi-réussites.

    Attention à certaines espèces, notamment aux pois fourragers. Ces derniers ne poussent presque pas certaines années et présentent une végétation luxuriante d’autres années, au risque d’étouffer la ou les autres espèces du mélange. Souvenons-nous à ce sujet, que le pois fourrager aime les températures douces et l’humidité modérée et que les périodes très froides et humides lui sont défavorables.

    Notons aussi que la commercialisation des mélanges céréaliers n’est pas toujours aisée pour les exploitations ne les autos consommant pas. La demande du marché varie selon les moments, par exemple selon les besoins des éleveurs de volailles.

    3/Les composants habituels des mélanges céréaliers

    Ils sont le plus souvent :

    • Le blé, l’avoine, l’orge, le seigle, le triticale en ce qui concerne les céréales ;
    • Les pois, la féverole, la vesce, la gesse en ce qui concerne les légumineuses.

    À l’heure actuelle le mélange triticale + pois fourrager est particulièrement répandu car il donne généralement de bons résultats culturaux.

    Cependant d’autres types de mélanges méritent d’être essayés, améliorés et adoptés.

    4/Choisir les espèces que l’on va associer

    Ce n’est pas facile car on se demande à partir de quels critères effectuer ce choix. Le plus souvent le praticien non initié adopte le type de mélange qui réussit chez des agriculteurs qu’il connaît ou dont il a visité l’exploitation.

    Ce comportement est tout à fait louable car il combine observation et prudence.

    On peut cependant préciser ses préférences en se basant sur quelques critères simples dont voici, à mon avis, les principaux.

    A/ L’objectif technique poursuivi

    Selon que l’on veut récolter des graines ou du fourrage on est amené à choisir telle ou telle espèce.

    Les mélanges fourragers dans lesquels entre de l’avoine, du seigle, de la vesce ou encore du triticale sont particulièrement productifs. Gardons présent à l’esprit que l’avoine est à tendance sucrée et le seigle à tendance cellulosique. Les mélanges comportant une forte proportion de seigle et, dans une moindre mesure, de triticale ne doivent pas être récoltés trop tardivement sinon ils deviennent rapidement peu appétents.

    Dans les mélanges à graines pois, féveroles et triticale permettent souvent une bonne production. Ce qui ne signifie pas que les autres espèces soient sans intérêt.

    B/Le type de rotation

    Dans les fermes céréalières l’utilité agronomique des mélanges céréaliers est souvent plus importante que dans les fermes d’élevage où les prairies temporaires et les éventuels fourrages annuels (trèfle, chou, etc.) permettent de « charpenter » les rotations. Ils peuvent notamment y jouer un rôle important pour le contrôle des adventices. Dans cette optique les mélanges à végétation puissante du type vesce/avoine ou triticale/pois sont bien sûr intéressants.

    Par ailleurs la flore microbienne du sol se « porte » bien si elle est nourrie avec des matières organiques à bon rapport sucres/cellulose/azote.

    Les apports au terrain des résidus culturaux ne respectent pas toujours ce bon rapport.

    En rotation céréalière la cellulose domine, surtout si les pailles sont intégralement restituées, ce qui est souhaitable. Les mélanges céréaliers à forte teneur en légumineuses aident à rééquilibrer le rapport Su/Cel/Az en apportant de l’azote.

    Si la rotation céréalière comporte peu d’avoine introduire cette dernière dans les mélanges est judicieux pour renforcer la part des pailles « sucrées ». La paille d’avoine est en effet plus riche en sucres que celle des autres céréalecereales et légumineuses (8)s.

    Dans les rotations des fermes d’élevage le rapport Su/Cel/Az des rotations est généralement plus satisfaisant. L’alternance des céréales, des prairies temporaires et des fourrages annuels permet la plupart du temps un bon équilibre.

    Toutefois dans les exploitations où la prairie temporaire revient très souvent un manque de cellulose peut se révéler. Le seigle et le triticale qui donnent des pailles particulièrement cellulosiques sont alors bienvenus dans les mélanges.

    C/Le couple sol climat : quelques indications

    D’une façon générale les pois craignent les climats froids, surtout en terre humide et asphyxiante. Les terres légères se réchauffant vite sans se dessécher leur plaisent, surtout en climat doux océanique.

    L’avoine d’hiver ne supporte pas les gelées intenses (inférieures à -10 °C), surtout en terrain découvert, sans boisement champêtre protecteur.

    La vesce n’est guère difficile quant au terrain même si elle est parfois considérée comme une culture de sol argilo-calcaire.

    Le seigle se contente de terrains maigres et ne craint guère le froid. Dans le sud-est de la France existent de vieilles variétés de seigle de printemps à croissance très rapide (« trémène »).

    La féverole aime les terres riches et profondes. La féverole d’hiver peut être détruite par de fortes gelées hivernales. Une humidité persistante favorise la pourriture du collet (Sclerotinca). La féverole de printemps craint la sécheresse.

    Par temps « poussant », doux et humide, l’orge est parfois un tuteur trop faible pour des pois fourragers ou de la vesce capable de se développer beaucoup.

    D/La flore adventice

    Si elle est dominée par les légumineuses, notamment la vesce sauvage dans les céréales d’hiver, forcez sur les légumineuses dans les mélanges.

    Si les graminées (vulpin des champs, brome, ray-grass, etc.) sont gênantes on peut soupçonner (parmi d’autres causes possibles) un manque de sucres dans la rotation. Donnez, si cela est possible, une place suffisante à l’avoine.

    Lorsque les prairies temporaires sont constamment envahies par rumex, pissenlits, chardons des champs ou autres plantes à systèmes radiculaires puissants un manque de cellulose peut parfois, là aussi entre autres causes, être invoqué. Pensez alors à augmenter la place des céréales dans la rotation et à cultiver des mélanges à base de triticale et de seigle.

    5/Quelles proportions adopter?

    La question est souvent posée et la réponse n’est pas aisée. Certains aspects dépendent uniquement de chaque situation. Par exemple la quantité de pois fourragers optimale est très influencée par le couple sol climat.

    Mais attachons-nous ici à cerner des aspects plus généraux applicables à la plupart des situations.

    A/Premier cas : production de fourrage (foin, ensilage, pâturage)

    On peut viser une densité élevée pour obtenir une masse de végétation importante mais il faut alors que la proportion des tuteurs (céréales ou légumineuses se « tenant » bien comme la féverole) soit augmentée. Sinon gare à la verse et même à la pourriture sous le tapis végétal.

    Par exemple on ne dépasse pas 30 à 40 % de plants de légumineuses rampantes (pois, vesce, gesse). Par contre la part de la féverole ou dans une moindre mesure du lupin peut être augmentée si ces espèces font partie du mélange.

    Au total un minimum de 125 à 150 tuteurs par mètre carré me paraît nécessaire. On peut alors compléter avec 75 à 125 plants au mètre carré de légumineuses rampantes.

    Encore une fois : en utilisant des légumineuses à port dressé on peut augmenter la place de ces dernières dans le mélange.

    La part des légumineuses rampantes doit être réduite si le climat est doux et humide et la terre fertile, surtout lors des semis d’automne.

    Elle peut être augmentée au printemps dans des limites raisonnables, surtout si le terrain est maigre et le climat sec.

    En un mot comme en cent : tenir compte des conditions du milieu est indispensable, cela s’apprend avec l’expérience.

    Les quantités de graines à semer sont évidemment fonction de ces critères et de la taille des semences.

    B/Deuxième cas : production de grains secs

    On adopte des densités plus faibles que pour l’obtention de fourrages car une bonne formation des graines est exigeante en lumière.

    cereales et légumineuses (3)Par ailleurs on cherche souvent à aboutir à une proportion de légumineuses dans le mélange, lors de la récolte, souvent plus forte que dans le cas des mélanges fourrages (pas toujours cependant).

    Mais on sait que le rythme du développement des légumineuses à graines n’est habituellement pas le même que celui des céréales. Les premières ont généralement besoin de plus de lumière et de chaleur que les secondes.

    En conséquence la densité du semis et les proportions des espèces qui le constituent varient donc en fonction de la date d’installation d’une part, en fonction du climat local d’autre part. La nature du terrain (lourd ou léger, sec ou humide…) joue également son rôle.

    Lors d’années exceptionnelles (très sèches, très froides, très humides.) Les choses peuvent être bouleversées. On a alors parfois intérêt à changer d’objectif.

    Ainsi on récolte à graines une culture mise en place pour l’ensilage ou le foin parce qu’on a suffisamment de fourrage par ailleurs ou parce qu’il s’est éclairci et ne va pas donner beaucoup de matière verte ou pour toute autre raison majeure.

    À l’inverse il est possible de récolter en vert un mélange initialement destiné à la production de graines en cas de pénurie fourragère ou parce qu’un temps doux et humide, ou une erreur dans les doses de semences, a rendu la végétation trop exubérante pour une bonne formation et maturation des grains.

    Nous sommes dans un domaine ou sain opportunisme et remise en cause raisonnable sont souvent payants.

    Il est intéressant de chercher à déterminer les proportions des divers constituants des mélanges en fonction des conditions hivernales moyennes de la région. Ce n’est pas très aisé mais on peut dire d’une façon générale :

    • que lorsque l’hiver est très doux légumineuse et graminée poussent à peu près en même temps ;
    • que lorsqu’il est très froid aucune des deux ne pousse (on suppose tout de même qu’elles ne gèlent pas !)
    • Que lorsqu’il est « intermédiaire » seule la céréale pousse en janvier/février (parfois en décembre), la légumineuse prend alors du retard.

    Dans les deux premiers cas veillez à ne pas trop « forcer » sur les légumineuses (rampantes surtout : vesces et pois), sinon gare à la verse.

    Dans le troisième on peut au contraire augmenter la part des légumineuses de façon à ce qu’elles puissent compenser leur retard de croissance sur la ou les céréales tuteurs.

    Le pois fourrager exige des tuteurs plus solides et/ou plus nombreux que la vesce, toutes conditions étant égales par ailleurs. Ce n’est pas le cas du pois protéagineux dont la végétation est moins luxuriante et qui se « tient » mieux. On peut donc utiliser une plus grande proportion du second que du premier sans risquer de faire verser le mélange.

    Pour ce quoi est du choix de la ou des variétés de pois ou de vesce prendre en compte la tardiveté est parfois utile. Plus elles se développent et plus elles exigent des tuteurs nombreux et solides pour « bien se tenir ».

    Un élément important à considérer : le rendement en grains de la ou des légumineuses est souvent d’autant plus important que la densité totale du mélange est faible (sans tomber dans l’excès évidemment). Je ne suis pas le seul à l’avoir remarqué. Mon vieil ami Jean-Marie Roger l’a observé lui aussi. Essayez de déterminer dans votre situation de sol et de climat quelles sont les densités qui vous donnent en moyenne, les meilleurs rendements. Pour vous y aider : il me semble que d’une façon générale, les meilleures productions viennent des mélanges un peu clairs présentant au moment de la récolte à peu près autant de pieds de céréales tutrices que de légumineuses rampantes.

    Rappelons que si la culture comporte également des féveroles ces dernières jouent le rôle de tuteurs en même temps qu’elles sont des légumineuses. Elles permettent donc d’augmenter la proportion de ces dernières. Par ailleurs la féverole semble bien valoriser les sols maigres et son efficacité dans la fixation de l’azote est excellente.

    Si vous mettez en place un mélange céréalier d’automne ne semez pas trop tôt car les légumineuses d’hiver ont souvent tendance dans ce cas à se développer beaucoup en donnant relativement moins de graines que si elles sont installées plus tardivement. N’exagérez pas tout de même : le semis doit avoir lieu avant les risques de gel lors de la levée, c’est-à-dire en général courant octobre dans le bassin Parisien.

    C’est l’inverse pour les mélanges de printemps : les semis précoces, lorsque les gelées sérieuses ne sont plus à craindre, sont généralement les plus productifs en grains et en fourrage.

    C/Dans tous les cas : semis plus dense au printemps qu’en automne.

    Pour un semis d’hiver destiné à la production de graines 50 ou 60 plants de légumineuses rampantes et autant de tuteurs par mètre carré suffisent en terre fertile et bien préparée.

    Au printemps on peut souvent augmenter les doses de légumineuses rampantes d’un tiers ou même les doubler pour obtenir une centaine de pieds par mètre carré. Par contre on peut diminuer relativement le nombre des tuteurs car les légumineuses rampantes de printemps se développent moins. Dans certains cas on les supprime même complètement comme dans le cas de la culture des pois protéagineux ou de certains semis de vesce.

    Il me semble toutefois que cette suppression est souvent une erreur. Une proportion minimale de tuteurs me paraît toujours bienvenue.

    Proposons un tableau récapitulant les principaux critères à prendre en compte pour trouver les bonnes proportions dans les mélanges de légumineuses et de céréales.

    cereales et légumineuses (1)

    Pour utiliser ce tableau lisez d’abord la partie du haut notée « actions ». Voyez ensuite en dessous les « facteurs de décision » correspondant à votre situation. Revenez pour terminer aux « actions » pour prendre votre décision en ce qui concerne les proportions du mélange.

    cereales et légumineuses (5)Par exemple vous exploitez un terrain plutôt médiocre dans une région froide et humide. Vous allez semer de bonne heure en automne ou tard au printemps des mélanges dans lesquels vous « forcerez » (raisonnablement) sur les légumineuses en automne à cause du froid de l’hiver et, au contraire, diminuerez leur proportion au printemps à cause de l’humidité de l’été. La proportion de céréales tuteur aura tendance à varier en sens inverse ou sera maintenue « moyenne ».

    Je précise bien que les situations dans la réalité sont d’une infinie variété et qu’un tableau de ce genre ne peut en refléter toute la diversité. À chacun de s’inspirer au mieux des pistes proposées ici en faisant appel à sa réflexion et à ses observations propres pour aboutir aux meilleurs choix que lui seul peut déterminer.

    6/Des exemples de mélanges céréaliers

    Nous savons que le blé, l’orge, l’avoine, le triticale et le seigle peuvent entrer dans la composition des mélanges céréaliers. À l’heure actuelle les mélanges comportant du triticale sont particulièrement répandus.

    En ce qui concerne les légumineuses : les pois (fourragers surtout, quelquefois protéagineux), la féverole, la vesce (moins souvent), la gesse (quelquefois) sont utilisés. La vesce est intéressante dans les terres « maigres » en raison de sa rusticité.

    A/ Mélanges d’hiver (doses de semences/hectare)

    1. En terres « maigres »

    La féverole et la vesce sont plus adaptées que les pois car, à mon avis, plus « rustiques » que ces derniers.

    Vesce (50 kg) + seigle ou triticale (100 kg)

    ou vesce (50 kg) + gesse (30 kg) + seigle ou triticale (100 kg)

    ou vesce (50 kg) + avoine (jusqu’à 80 kg)

    ou vesce (50 kg) + gesse (30 kg) + avoine (80 kg)

    L’orge (une centaine de kilos) peut remplacer le seigle, le triticale ou l’avoine.

    Notez que l’avoine peut présenter un développement rapide et puissant, adaptez la dose/ha au terrain.

    Les mélanges à base de féverole sont également utilisables mais nous allons leur consacrer un paragraphe spécial.

    1. En terres « moyennes » ou fertiles

    Pois fourragers (10 à 30 kg) + orge (100 kg)

    ou pois fourragers (10 à 30 kg) + seigle ou triticale (100 kg)

    ou pois fourrager (10 à 30 kg) + orge (80 kg) + avoine (jusqu’à 30 kg)

    ou pois protéagineux d’hiver (50 à 100 kg) +, par exemple, triticale (80 à 100 kg)

    Mêmes remarques que dans le paragraphe 1 en ce qui concerne l’avoine dont il ne faut pas abuser et la féverole dont nous allons parler plus loin.

    B/Mélanges de printemps

    1. En terres difficiles ou « maigres »

    Vesce de printemps (50 à 80 kg) + avoine de printemps (80 kg)

    L’avoine peut être remplacée par de l’orge en terre légère et calcaire.

    1. En terres « moyennes » ou bonnes

    La vesce est encore utilisable mais les pois trouvent également leur place.

    Pois fourragers de printemps (50 à 60 kg) + orge (120 kg)

    ou pois fourragers de printemps (50 à 60 kg) + orge (80 kg) + avoine (20 à 40 kg)

    ou pois protéagineux de printemps (50 à 100 kg) + orge (80 kg) (par exemple)

    La féverole est susceptible, elle aussi de donner de bons résultats (voir plus loin) ; noter que certains praticiens craignent les repousses de vesce.

    C/Remarque générale en ce qui concerne les pois protéagineux

    Le pois protéagineux peut être considéré comme un « hybride » entre le pois potager (Pisum sativum) et le pois fourrager (Pisum arvense). Il est plus riche en protéines que ce dernier et donc particulièrement intéressant pour la nourriture des animaux.

    Sa culture pure est délicate en agriculture biologique car il se défend mal contre les mauvaises herbes du fait de sa végétation basse. Ce « défaut » me semble particulièrement net chez les variétés d’hiver. Quelques variétés de printemps (par exemple Nitouche) se tiendraient mieux.

    En association avec des céréales le manque de compétitivité face aux adventices est effacé par la présence du tuteur. Le pois protéagineux d’hiver se révèle alors particulièrement intéressant car sa faible végétation ne provoque pas la verse des mélanges et on peut en mettre dans ces derniers une cereales et légumineuses (4)forte proportion, donc obtenir au final une récolte de grains riche en protéines.

    La même chose est théoriquement possible en associant pois protéagineux de printemps et céréales (notamment orge) de printemps. Les résultats seraient moins bons que dans le cas des mélanges d’hiver pour des raisons difficiles à cerner avec précision.

    Il semblerait que les pois n’arrivent pas à grimper dans l’orge. Ils ont alors tendance à tomber par terre et l’humidité maintenue au niveau du sol par la céréale facilite l’attaque des maladies. L’orge serait-elle un mauvais tuteur ? Ne serait-ce pas plutôt ces pois protéagineux qui seraient de mauvais « grimpeurs » ? Des variétés se tenant mieux (comme Nitouche) réussiraient peut-être mieux dans cette situation, surtout si l’orge est un peu claire et laisse passer facilement l’air et la lumière ; à voir…

    À noter au passage que les semis précoces de pois protéagineux d’hiver sont déconseillés car ils augmenteraient le risque de gel de la plante. À suivre car nous manquons encore de recul dans ce domaine.

    D/Quelques points à souligner

    Tous les mélanges précédemment décrits sont purement indicatifs. Ils ne doivent pas être considérés comme des modèles à suivre mais comme des exemples dont on peut s’inspirer en les adaptant à sa situation et si possible en les améliorant. Les doses de semences, notamment, sont à déterminer en fonction de ce que l’on souhaite obtenir et des conditions locales. Revoyez à ce sujet ce que nous avons dit au paragraphe V pour mieux raisonner votre décision. («

    La question de la récolte des graines est souvent soulevée par les néophytes. Ne risque-t-elle pas d’être compliquée par la différence de taille et de forme des grains ? Les maturités des différentes espèces et variétés ne sont-elles pas trop décalées dans le temps ?

    Ces craintes ne sont pas justifiées. Les différentes plantes mélangées mûrissent à peu près toujours de façon suffisamment simultanée.

    Quant à la taille des grains : réglez votre moissonneuse-batteuse pour ne pas casser les graines les plus grosses et attendez pour battre que l’ensemble du mélange soit bien mûr. Évitez par ailleurs d’inclure dans vos mélanges des variétés comme le blé Hardi, remarquable pour sa qualité boulangère mais dont les épis sont « coriaces ». Les anciennes variétés de triticale étaient elles aussi parfois « dures » à battre et cela posait parfois problème dans les mélanges comportant des légumineuses à grosses graines, surtout la féverole. En ouvrant le contre-batteur pour ne pas abîmer la féverole on avait du mal à bien battre le triticale associé. Les nouvelles variétés de triticale s’égrènent mieux et le problème, à ma connaissance, ne se pose plus guère.

    Certains mélanges céréaliers produisent beaucoup de paille, notamment ceux comportant du seigle ou de l’avoine. La vitesse d’avancement de la moissonneuse doit évidemment être adaptée.

    E/L’installation des mélanges céréaliers

    Installer des associations de graines de façon satisfaisante n’est pas forcément aisé.

    Le plus simple est évidemment de mélanger les semences et de semer cette combinaison comme s’il s’agissait de graines pures. Le résultat est convenable si le mélange en question est correctement réalisé. Une petite bétonnière rend bien service pour cela. Les espèces associées doivent avoir des graines de taille comparable (par exemple vesce et blé). Le semoir doit évidemment bien fonctionner.

    Si les espèces associées produisent des graines de tailles très inégales, par exemple la féverole et le blé ou, dans une moindre mesure, les pois protéagineux et l’orge, il devient plus délicat de semer les graines mélangées. Certains praticiens s’y risquent mais le résultat n’est pas toujours bon car les graines ont parfois tendance à se séparer dans la trémie des semoirs même si elles ont été bien mélangées au départ.

    Des semis séparés s’imposent alors. Une possibilité est de semer d’abord les grosses graines (pois protéagineux, féverole…) à la volée ou en lignes avec un matériel adapté. On installe ensuite les graines plus petites (céréales). Si les premières graines ont été répandues à la volée le passage du semoir pour l’installation de la céréale les enterre. Remarquons cependant que dans le cas de la féverole cet enterrage risque d’être insuffisant. Nous allons en reparler plus loin.

    À chacun de choisir la meilleure méthode en fonction des espèces considérées, du matériel disponible, du terrain. L’essentiel est que toutes les graines soient bien positionnées.

    F/Le cas particulier des mélanges à base de féverole

    1. Pourquoi particulier ?

    Parce qu’il est relativement peu pratiqué alors qu’il présente un réel intérêt.

    La féverole présente l’avantage de se « tenir » seule, sans tuteur.

    C’est par ailleurs une plante qui enrichirait (je prends soin d’utiliser le conditionnel) le sol en azote plus que la vesce, les pois ou la gesse. Ses grosses graines sont aisément séparées de celles des céréales alors que celles des autres légumineuses sont plus difficiles à trier. C’est un avantage important dans les mélanges comportant du blé que l’on veut récupérer pour le vendre à part. elle présente une végétation puissante, concurrentielle vis-à-vis des adventices. À condition toutefois que le terrain soit sain (sinon la féverole d’hiver tombe malade) et bien alimenté en eau (sinon la féverole de printemps souffre de la sécheresse).

    1. Une culture ancienne, des caractères botaniques intéressants

    Vers 1850 on cultivait en France plus de 150 000 ha de fèves et féveroles. Après la Seconde Guerre mondiale cette surface était tombée à moins de 15 000 ha devant la concurrence des aliments du bétail riches en protéines (tourteaux de soja) et également peut-être à cause de certains inconvénients culturaux comme la sensibilité de la plante aux attaques de pucerons.

    Depuis cette période, il paraît y avoir eu des hauts et des bas puisqu’on aurait cultivé environ 35 000 ha de fèves et féveroles en 1956 et qu’à l’heure actuelle cette surface doit tourner autour de 100 000 ha avec, semble-t-il, une tendance à la hausse confortée par le renchérissement du prix des protéines importées.

    Le système radiculaire de la féverole est moyennement développé. La tige présente la particularité d’être creuse et carrée.

    Les fleurs se développent à l’aisselle des feuilles, d’abord à la base des tiges puis en remontant le long de celles — ci.

    Ceci signifie que les gousses qui en sont issues mûrissent de façon échelonnée en commençant par celles de la base.

    cereales et légumineuses (5)Ces fleurs se détachent facilement des tiges, certaines variétés peuvent paraît-il perdre couramment 95 % de leurs fleurs, mais si on veut un rendement convenable, il ne faut pas que ces pertes dépassent 60 à 70 %.

    La graine rappelle par sa forme celle de la fève des jardins en moins plat.

    Elle est généralement grosse bien que sa taille varie beaucoup (du simple au double) selon les variétés.

    Une particularité très importante de la féverole est de pouvoir développer plusieurs tiges par pied selon un processus qui rappelle le tallage des graminées ; ce « tallage » set plus ou moins important selon les variétés.

    La féverole d’hiver « talle » plus que la féverole de printemps.

    On a prétendu que les variétés qui « tallaient » beaucoup présentaient une production et une maturité irrégulières, mais je pense que cette opinion est très discutable, les variétés qui « tallent » beaucoup me paraissent au contraire donner d’excellents résultats pour peu qu’on choisisse une variété dont les gousses ne s’ouvrent pas trop vite.

    1. Quelques principes de base de la culture de la féverole :

    a/Des exigences modérées :

    La féverole aime les terrains frais

    Les terres argileuses qui gardent longtemps la fraîcheur lui conviennent particulièrement. Ceci ne veut pas dire qu’elle ne craint pas l’eau en excès, surtout si cette dernière est stagnante et entraîne des phénomènes d’asphyxie radiculaire.

    Elle ne peut réussir sur des terres filtrantes (sableuses par exemple) que si la pluviométrie est suffisante tout au long de son cycle végétatif pour l’approvisionner régulièrement en eau.

    Pour ce qui est des exigences climatiques

    • Deux choses surtout me paraissent à souligner (outre son besoin en eau) :

    La féverole d’hiver résiste au froid en gros de la même façon que l’avoine et l’orge d’hiver. Elle peut donc être cultivée sur la plus grande partie du territoire français. La féverole de printemps ne craint pas les gelées tardives.

    • Elle craint l’échaudage pendant la période de la floraison et celle de la formation des gousses.

    En ce qui concerne le type de sol

    La féverole ne semble pas très exigeante dans ce domaine. Les terrains calcaires ne lui font pas peur. Ceux qui sont modérément acides non plus (pH non inférieur à 5).

    b/Des façons culturales particulières

    Un objectif des façons culturales est de maintenir la culture de féveroles propre, surtout en début de végétation. Pour cela, deux opérations sont possibles et se complètent : le hersage et le sarclage avec une bineuse.

    Un des avantages du semis profond est que la levée de la plante est longue. On a donc le temps de faire un ou plusieurs hersages avant que les tiges sortent de terre. On détruit déjà ainsi les adventices, il faut intervenir si possible avec un matériel léger qui n’abîme pas la terre en provoquant des tassements intempestifs.

    Quand les tiges apparaissent on cesse ces hersages et on les reprend éventuellement lorsque les féveroles atteignent 5 ou 7 cm de hauteur, il est alors intéressant de pouvoir disposer de herses légères à dents longues et souples qui abîment moins les plantes.

    Quand les hersages ne sont plus possibles (et même avant qu’ils ne soient plus possibles si c’est nécessaire), on peut sarcler entre les rangs avec une bineuse ordinaire.

    La combinaison du sarclage entre les rangs et du hersage permet en conditions habituelles d’avoir une culture propre. Sarclage et hersage sont à réaliser de préférence par temps chaud et sec, car la féverole est moins sensible aux chocs à ce moment-là et les jeunes adventices, desséchées par le soleil, repoussent moins facilement. Ils doivent cesser nettement avant l’apparition des fleurs qui sont sensibles aux chocs.

    1. Mélange « céréale féverole » des règles à respecter :

    On peut mélanger une céréale d’hiver avec une variété de féveroles d’hiver ou une céréale de printemps avec une variété de féveroles de printemps ; dans certains cas particuliers, on peut semer de la féverole de printemps dans une céréale d’hiver.

    a) Deux façons d’effectuer la mise en place du mélange :

    • Semer la féverole à la volée, labourer puis semer la céréale. On peut semer la féverole à la volée, par exemple avec un épandeur à engrais. On l’enterre ensuite par un labour très léger de 15 cm de profondeur, immédiatement après on passe un outil à dents pour ameublir le labour. On peut éventuellement effectuer un ou deux hersages (légers) avant la levée comme il a été dit précédemment. Mais il faut aussi, bien sûr, effectuer le semis du blé avant la levée de la féverole, le passage du semoir constitue une sorte de hersage supplémentaire. Si le semis de féverole n’a pas été trop clair, on peut attendre que les plantules soient presque sorties de terre pour semer le blé : le semoir en cassera quelques-unes, mais il en restera suffisamment.
    • Labourer, semer la féverole, puis semer la céréale. On effectue éventuellement un labour ordinaire, on prépare la terre comme une céréale, on sème la féverole assez profondément (8 à 10 cm), puis immédiatement après et en travers du premier semis, on sème la céréale. Une autre possibilité est d’attendre quelques jours entre le semis de la féverole et celui de la céréale, ce laps de temps permet d’effectuer un ou deux hersages comme il a été signalé précédemment.
    • Pratiquer les façons culturales « inversées » 1, semer la féverole puis la céréale.

    Ces techniques sont valables aussi bien pour les semis d’automne que les semis de printemps.

    Toutefois, faire très attention au printemps, aux risques de tassement du sol, attendre que ce dernier soit suffisamment ressuyé.

    b/Doses de semence : être raisonnable et se faire la main

    Dans le cas des mélanges « blé féverole d’hiver », on peut partir d’environ 60 à 80 kg de féverole et 80 à 100 kg de blé.

    Dans les cas des mélanges « avoine féverole d’hiver », on peut partir d’environ 80 à 100 kg de féverole et de 60 à 80 kg d’avoine.

    Pour ce qui est des mélanges de printemps, on augmente traditionnellement un peu les doses.

    Notez bien que ces doses suggérées sont purement indicatives, à chacun de trouver ce qui lui convient le mieux en fonction de son terrain et du type de mélange qu’il souhaite obtenir.

    c/Un cas particulier et des voies de recherches

    Un cas particulier est le semis de la féverole de printemps dans une céréale d’hiver, notamment du blé. Le but n’est plus d’obtenir un mélange récoltable de graines mais d’associer une légumineuse au blé au départ de sa végétation.

    L’association féverole plus blé est notamment intéressante dans les terres humides à tendance asphyxiante : le profond pivot radiculaire de la féverole facilite le drainage de l’eau. La vie microbienne est ainsi favorisée, ce qui profite au blé.

    Si l’hiver est suffisamment froid (moitié nord de la France) la féverole gèle et a disparu au printemps. Elle forme alors un mulch protecteur. Si elle ne gèle pas lors d’un hiver doux, ce qui n’est pas rare, on la récolte en mélange avec le blé.

    5/ Récolte et séparation : pas de difficultés particulières

    La récolte du mélange « céréale féverole » n’est pas très difficile même si cela peut paraître surprenant en raison de la différence de taille des graines considérées.

    cereales et légumineuses (7)Il faut toutefois régler correctement les organes de battage : si on serre trop le contre-batteur pour que le blé (ou une autre céréale associée) soit bien battu, on risque de casser beaucoup de grains de féverole.

    Inversement, si on écarte suffisamment le batteur du contre-batteur pour bien récolter la féverole, on risque de laisser passer des épillets de blé, surtout dans le cas des variétés difficiles à battre comme le Hardi.

    A mon avis, la meilleure formule est de régler les organes de battage comme pour le battage de la féverole pure, à condition d’attendre que le blé soit bien mûr et d’éviter si possible les variétés difficiles à battre. Les pertes de blé sont alors nulles ou très limitées.

    Le mélange une fois récolté peut, si c’est nécessaire, être facilement trié en raison de la grande différence de taille entre les graines de la céréale et celles de la féverole.

    6/ Parasitisme et maladies : attention aux pucerons et à la rouille

    Il est connu que la féverole est sensible aux attaques de certains parasites, notamment le puceron noir.

    Les fortes attaques des pucerons peuvent compromettre sérieusement le rendement des cultures de féveroles, mais personnellement je n’ai jamais eu l’occasion d’en constater en culture biologique ; le développement rapide et parallèle des populations des prédateurs (notamment les larves de coccinelles) suffit généralement à limiter l’invasion.

    Si ce n’est pas le cas, des traitements sont possibles, notamment avec les produits à base de nicotine ou roténone : voici d’ailleurs la composition d’un mélange que je n’ai jamais eu l’occasion d’essayer, et qui est paraît-il très efficace contre les pucerons :

    Nicotine à 40 % :………. 300 grammes

    Savon blanc :……………. 800 grammes

    Carbonate de soude :… 50 grammes

    Eau :………………………….. 100 litres

    Il faut noter par ailleurs que les invasions de pucerons commencent par les bordures des champs, ce sont ces bordures qu’il faut surveiller en priorité et fréquemment si nécessaire. On peut très bien traiter les bordures exposées et pas le reste du champ.

    Certains suggèrent d’entourer les champs de féveroles (pures ou en mélange) avec une bande de quelques mètres de céréales pures.

    En ce qui concerne les maladies de la féverole (rouille, pourritures diverses…), il n’y a pas grand-chose à faire dans le cadre de l’agriculture biologique sinon semer en bonnes conditions pour que la féverole puisse démarrer sa végétation rapidement.

    Toutefois le traitement des semences avec un produit à base de cuivre peut constituer une précaution. On peut par exemple pelleter ou mélanger dans une bétonnière les semences après les avoir poudrées avec du sulfate de cuivre à raison de 150 à 300 g de poudre par quintal de grain.

    La même dose de sulfate de cuivre peut être utilisée en solution (10 litres par quintal) on arrose les semences avec cette solution et on brasse pour obtenir une bonne répartition du produit sur la surface des graines qu’on laisse ensuite sécher. Cette seconde méthode me paraît préférable.

    7/ Variétés : pas de contraintes particulières, mais attention à la taille des graines et à la précocité

    Toutes les variétés habituelles de féveroles peuvent donner de bons résultats en agriculture biologique mais, en mélange, les variétés qui mûrissent tard sont parfois gênantes.

    Par ailleurs on a intérêt à ne pas utiliser de variétés à grains trop gros en mélange pour ne pas compliquer le battage.

    G/Les mélanges à base d’escourgeon

    Pourquoi leur accorder une attention particulière ? Parce que l’escourgeon, orge d’hiver à six rangs, présente une forte capacité de repousse après avoir été fauché ou brouté. Cette propriété est d’autant plus nette, on s’en doute, que la terre est riche et le climat de l’année favorable (humidité sans excès et douceur).

    La façon de faire consiste à semer l’escourgeon avec une légumineuse, par exemple de la vesce, et à effectuer en plusieurs fois une exploitation raisonnée du mélange. Suivant l’objectif et l’objectif de production recherchés on peut semer de juillet août jusqu’en novembre.

    Le premier pâturage ou la première fauche sont possibles de bonne heure. Ils favorisent le tallage. Pour les suivants il vaut mieux attendre que la végétation atteigne une vingtaine de centimètres de hauteur. Ne coupez pas trop ras. Il doit rester au moins cinq ou six centimètres de végétation. Si l’exploitation est bien conduite on peut même espérer une récolte de grains.

    Ainsi un semis de « vesce escourgeon » semé un été peut donner un premier pâturage de bonne heure (si la pluviométrie est suffisante), une deuxième coupe en automne, une troisième au printemps si celui-ci est favorable. À ce stade la vesce disparaît plus ou moins.

    Si la troisième exploitation est effectuée avant que l’épi commence à monter dans la tige (fin mars début avril dans beaucoup de régions françaises) une récolte à grains en été n’est pas exclue.

    Les doses peuvent être par exemple de 100 kg d’orge et 60 ou 70 kg de vesce.

    Des apports de fumier ou de compost bien épandusou de purin ou de lisier « composté » ou tout au moins pas trop concentré sont bienvenus après chaque exploitation pour aider la végétation à redémarrer.

    Soulignons que les fauches ou pâturages sont à effectuer sur terre saine car les compactages peuvent pénaliser sérieusement les repousses.

    La vesce est remplaçable par d’autres légumineuses, par exemple du trèfle violet. Dans ce dernier cas une récolte à grains est plus difficile car, au lieu de disparaître comme la vesce, le trèfle a tendance à devenir de plus en plus envahissant au fur et à mesure que l’escourgeon s’affaiblit. C’est en fait une façon particulière d’installer du trèfle violet.

    H/Les mélanges à base d’avoine

    On peut réaliser avec l’avoine des mélanges du même genre qu’avec l’escourgeon mais leur capacité de repousse est généralement plus faible qu’avec ce dernier.

    7/Valeur alimentaire des mélanges céréaliers

    Elle dépend évidemment de la nature et des proportions des différentes espèces qui les constituent.

    Voyons par exemple, à partir de différentes sources, ce qu’apportent en moyenne les pois fourragers, la vesce et l’avoine (plantes entières) :

    cereales et légumineuses (2)

    À partir de ces données (qui ne sont que des moyennes) chacun peut avoir une idée de la valeur des mélanges où entrent les trois cultures prises comme exemples.

    Précisons bien que la comparaison n’est valable que pour des plantes entières parvenues à un stade végétatif voisin de celui évoqué dans le tableau, stade situé par le pourcentage de matières sèches. Précisons tout de même que ce stade est habituellement celui auquel on ensile ou fane.

    Si la masse végétative de l’avoine représente 50 % du mélange, celle de la vesce 25 % et celle des pois 25 % on obtient les résultats suivants grâce à quelques calculs simples.

    L’avoine apporte 30 % x 50 % = 15 % de MS ; la vesce 20 % x 25 % = 5 % de MS ; les pois 20 % x 25 % = 5 % de MS. Au total le mélange comporte donc 25 % de matière sèche.

    Pour ce qui est de l’énergie l’avoine apporte 0,7 UF x 15 = 10,5 UF pour 100 kg de matière brute du mélange ; la vesce 0,6 UF x 5 = 3 UF les pois 0,74 UF x 5 = 3,5 UF. Cent kilos de mélange brut contiennent donc 10,5 UF + 3 UF + 3,5 UF = 16,5 UF. Soit — = 0,66 UF/kg de MS.

    En ce qui concerne les matières azotées totales : l’avoine fournit 10 % x 15 % = 1,5 % ; les pois 17 % x 5 % = 0,85 % ; la vesce 18 % x 5 % = 0,9 %. Au total le mélange brut contient 1,5 % + 0,85 % + 0,9 % = 3,25 % de matières azotées totales. Soit ^^kgg ou 130 g de matières azotées totales par kg de matière sèche.

    Nous pourrions bien sûr effectuer les mêmes calculs pour la cellulose ou pour toute autre composante des pois, de la vesce ou de l’avoine de façon à trouver combien le mélange contient de ladite composante.

    Au praticien de savoir ce qu’il peut et souhaite connaître. Précisons que la composition des différents végétaux constituant les mélanges est donnée dans des tables (INRA ou autres). Pour ce qui est de la proportion des différentes espèces du mélange c’est à chacun de les estimer de façon plus ou moins précise (pesages ou non). Voici par ailleurs la composition de huit mélanges cultivés en 2000 à la ferme expérimentale de Thorigné d’Anjou (49).

    cereales et légumineuses (3)

    On peut également proposer des valeurs nutritionnelles indicatives pour des associations, par exemple, de triticale + pois Assas (CRA Pays de la Loire et ferme expérimentale de Thorigné d’Anjou). À partir de ces valeurs moyennes le praticien estime la valeur de son propre mélange.

    Proportion de pois 10 % 20 % 30 % 40 %
    UFL 1,04 1,03 1,03 1,03
    UFV 1,04 1,03 1,03 1,03
    PDIN 78 84 94 97
    PDIE 94 96 98 100

     Les pois fourragers et certaines variétés de féveroles contiennent des tanins, polyphénols qui diminuent la digestibilité de leurs protéines.

    On trouve également dans les graines des féveroles (d’hiver surtout) de la vicine et la convicine, composés de la « famille » des hétérosides qui sont dits « antinutritionnels ». Ils contrecarrent en effet l’assimilation par l’organisme des éléments nutritifs apportés.

    Remarquons au passage que les tanins qui ont tendance à insolubiliser les protéines et à les rendre moins digestes rendent parfois service dans le cas de l’alimentation des ruminants en retardant la digestion desdites protéines qui est alors plus complète et efficace (à rapprocher du procédé du « tannage » des tourteaux en culture classique).

    Pour toutes ces questions voyez ce qui est paru dans la littérature spécialisée sur l’alimentation des animaux domestiques avec des graines de plantes protéagineuses.

    Autres documents

    La culture des « mélanges céréaliers » a donné lieu à de nombreux articles dans la littérature « biologique » car elle est très pratiquée dans le cadre de la culture du même nom, surtout en élevage.

    La plupart de ces publications anciennes ou récentes sont intéressantes et utiles. Dans les années 1970 — 1980 Gérard Villemain a étudié la question des mélanges de céréales et de légumineuses, tout particulièrement dans l’ouest de la France.

    D’autres auteurs comme Claude Aubert, ancien responsable de l’association Nature et Progrès ou Jean-Marie Roger l’ont également traitée. Les représentants de la maison Lemaire conseillaient eux aussi ce type d’association végétale.

    Plus récemment la revue Alter Agri a consacré un dossier aux mélanges céréaliers dans son numéro 58 (mars 2003).

    L’Institut Technique d’Agriculture Biologique a réalisé une fiche sur le mélange « triticale pois ».

    ITAB, 149 rue de Bercy, 75595 Paris cedex 12.

    Revue Alter Agri : même adresse.

    Joseph POUSSET

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