BIODOC 10 – Régénération des prairies permanentes

  • prairies permanentes pousset (1)

    Avec l’aimable autorisation de Joseph Pousset, nous partageons avec vous aujourd’hui la fiche BIODOC n°10 :

    Régénération des prairies permanentes :
    quelques techniques trop peu connues

    L’herbe bien cultivée est un fourrage sain et peu coûteux ; la crise de la vache dite « folle » au début des années 1990 nous a rappelé par ailleurs qu’elle est l’aliment normal des ruminants. La bonne conduite des prairies demande des soins, de la rigueur et un minimum de savoir-faire. Pour régénérer les herbages négligés ou obtenir une production minimale de ceux situés sur terrains difficiles, des pratiques particulières sont à mettre en oeuvre ; pratiques extrêmement variées à adapter à chaque situation…

    Certaines sont vulgarisées depuis longtemps et assez bien connues. Rappelons-les succinctement :

    LE RETOURNEMENT ET LE RESSEMIS

    À éviter chaque fois que possible ; nous allons en dire quelques mots plus loin.

    L’assainissement

    Destiné à éliminer l’excès d’eau qui asphyxie la terre et entraîne la prolifération des carex, joncs, renoncules, chardons des marais…

    Préférer chaque fois que c’est possible les techniques « douces » et peu coûteuses (fossés, rigoles) aux opérations lourdes avec conduites enterrées.

    prairies permanentes pousset (5)La modification du pH

    Les sols à pH extrême, surtout ceux très bas, produisent une flore de qualité médiocre ; des apports modérés d’amendements calcaires les améliorent progressivement. Caractère asphyxiant dû à l’excès d’eau et grande acidité sont souvent liés et doivent être combattus simultanément.

    L’amélioration des techniques de pâturage

    Un chargement optimum en bétail (ni trop ni trop peu) et une alternance de la fauche et du pâturage améliorent généralement la production et la flore des prairies.

    Une fumure judicieuse

    Adaptée à chaque cas et modérée en ce qui concerne les produits à forte teneur en azote. Les apports de matières organiques plus ou moins décomposées contribuent à enrichir le terrain et à améliorer la flore s’ils sont bien conduits.

    Un entretien soigne

    Fauche ou broyage des adventices pluriannuelles, hersages et roulages éventuels, fauche des refus, ébousage… autant d’interventions connues mais pas toujours pratiquées comme il faudrait. On peut y ajouter des interventions spéciales comme l’épandage de sulfate de fer (300 kg/ha) pour détruire les mousses. Je n’insiste pas davantage à propos de ces pratiques déjà bien décrites dans diverses publications.

    Précisons toutefois que chacune d’entre elles peut être envisagée de façon différente selon que l’on se place ou non du point de vue d’une agriculture écologique ; cela mériterait un travail de réflexion qui, à ma connaissance, n’a pas encore été très approfondie dans la littérature technique.

    Mais pour l’instant voyons d’autres méthodes de régénération des prairies, à mon avis insuffisamment connues et complémentaires de celles venant d’être évoquées.

    A — Sans travail du sol

    • Utilisation exclusive du pied des animaux

    Vers la fin de l’été en année normale, plus tôt ou année sèche, broyez ou fauchez aussi ras que possible (attention aux pierres tout de même), puis semez à la volée le mélange prairial que vous avez choisi pour améliorer la flore. Si la végétation de la prairie n’est pas trop dense, vous pouvez commencer par semer puis passer la faucheuse ou le broyeur après, de façon à recouvrir les graines d’une fine couche de matières organiques mulchées.

    En cas de broyage que ce soit avant ou après le semis, utilisez de préférence un broyeur à axe horizontal, plutôt qu’un girobroyeur, ce dernier coupe moins ras et répartit moins bien la matière organique. Par ailleurs, tenez compte du fait que les graines heurtées par les pièces « travaillantes » des broyeurs ou des faucheuses peuvent être abîmées. Si la végétation est clairsemée, les semences tombent sur le sol et ne sont pas atteintes. Dans le cas d’une végétation plus dense, elles peuvent rester « perchées » et être heurtées ; il est alors préférable de faire précéder le semis par la fauche ou le broyage et non l’inverse.

    prairies permanentes pousset (4)Quelques jours plus tard, faites pâturer les animaux brièvement, mais avec un fort chargement par hectare de façon à plaquer les graines sur la terre ; le tassement peut aussi être obtenu avec un rouleau très lourd.

    Attention qui dit piétinement sous-entend bien sûr sol sain et sec (sans excès).

    Le délai entre le semis et le piétinement est d’autant plus court que le temps est humide ; il ne s’agit pas d’écraser des graines ayant commencé à germer.

    On peut également opérer à la fin d’une phase de pâturage, toujours sur sol sain, sans fauche ou broyage, on se contente de semer puis on prolonge le séjour du troupeau de quelques jours, en lui apportant si c’est nécessaire du foin bien réparti sur l’ensemble de la parcelle de façon à ce qu’il n’y ait pas sous piétinement à certains endroits et sur piétinement à d’autres. Après le départ des bêtes un épandage homogène de fumier ou de compost bien divisés aide la végétation à démarrer.

    Un traitement anti limaces est souvent une précaution utile. Dans tous les cas, semez dru.

    Cette technique de régénération présente l’avantage de la simplicité mais ne donne des résultats satisfaisants que pour les prairies faiblement dégradées. Par ailleurs sa réussite dépend beaucoup de la « qualité » du piétinement par le troupeau : suffisant mais non excessif, bien homogène et reparti sur toute la parcelle.

    • Utilisation du feu

    On laisse pousser une coupe de regains, puis on la fauche et on la laisse sécher, on y met ensuite le feu, par temps sec en prenant bien entendu toutes les précautions utiles et en demandant les autorisations nécessaires.

    On sème, on tasse, on apporte éventuellement compost, fumier et engrais minéraux comme dans les cas du paragraphe numéro un, on traite contre les limaces.

    Le feu est particulièrement recommandable dans le cas de prairies envahies par joncs, carex, rumex, chardons… car il diminue l’emprise de ces adventices sur le sol et détruit une partie au moins de leurs graines.

    Cette manière d’opérer donne des résultats intéressants surtout dans le cas des prairies très mal entretenues arrivées à l’état de friches.

    B — Avec travail du sol

    1) Sans retournement ni semis

    Le principe est d’effectuer un grillage très énergique (beaucoup plus énergique que les hersages habituels) de façon à arracher plus ou moins les adventices, lacérer le « matelas » de vieilles racines et de vieilles tiges sur une profondeur de cinq ou même dix centimètres.

    Les matières organiques qui « dorment », c’est-à-dire qui se décomposent lentement et mal pour diverses raisons (acidité, climat froid…), sont ainsi aérées et « réveillées ». Il s’ensuit une libération d’éléments nutritifs et une repousse favorisant les « bonnes » plantes prairiales productives et appétentes pour le bétail.

    prairies permanentes pousset (2)Les outils utilisés varient du régénérateur de prairies spécialisé au cultivateur ordinaire muni de socs étroits et pointus, parfois en forme de lames de couteaux, en passant par les outils modifiés ou même fabriqués par certains praticiens et qui ne sont pas forcément les moins efficaces.

    Si la surface du terrain paraît trop inégale après le passage de l’outil, effectuez un roulage modéré pour la niveler.

    Un épandage d’engrais minéraux et de compost ou de fumier avant le passage de l’outil peut être bienvenu, engrais minéraux à choisir en fonction de la nature du sol et des résultats d’analyses de terre éventuelles.

    Attention : ne croyez pas obtenir un meilleur résultat en effectuant un dernier pâturage trop poussé pour « gratte » le terrain en pensant ainsi faciliter le travail des outils, vous risquez l’effet inverse.

    En effet, le sol risque d’être compact et de contenir peu de racines vivantes au-delà de quelques centimètres de profondeur ; si on le travaille sa structure peut devenir instable, se fermer et au total on n’apporte aucune amélioration, le remède peut même être pire que le mal.

    Il convient donc de laisser repousser un peu la prairie pour qu’elle refasse des racines en profondeur, de faucher ou broyer, puis mulcher cette repousse (éventuellement avec fumier et engrais minéraux) avant d’effectuer les passages d’outils précédemment évoqués.

    Toutes ces opérations donnent leurs meilleurs résultats sur terrain bien sain mais non desséché, ou ne risquant pas de se dessécher au cours des semaines suivantes.

    • Travail du sol léger ou moyen et semis sans retournement

    On effectue un griffage qui déchire la prairie suffisamment puis on sème les semences choisies, on roule éventuellement. La terre doit être suffisamment fraîche sans excès.

    Cet ensemble d’opérations est la forme la plus courante de ce qu’on appelle habituellement le « sursemis » des prairies.

    Différents outillages sont utilisables pour préparer le sol de la prairie : herse sarcleuse, cultivateur léger muni de socs en forme de couteaux, rouleau à pointes…

    Le semis s’effectue avec un semoir ordinaire aux socs relevés au-dessus du sol, avec un épandeur à engrais (bien réglé), avec un semoir électrique ou avec tout autre système adapté.

    À noter qu’il existe maintenant dans le commerce des outils combinés spécialement conçus pour le sursemis des prairies ; généralement coûteux ils peuvent rendre service dans les coopératives de matériel agricole ou chez les entrepreneurs. Je pense notamment à un semoir combiné muni d’une fraise tournant dans le sens inverse de l’avancement.

    • Travail du sol énergique et ressemis sans retournement

    On scarifie la prairie également mais souvent d’une façon plus énergique que celle décrite au paragraphe précédent.

    Par exemple : fauche ou broyage d’un regain ou même d’une coupe => épandage éventuel de fumier, compost, engrais minéraux en fonction de la nature du terrain => un ou deux passages légers de disques  =>compostage en surface pendant deux ou trois semaines => un, deux ou trois passages de cultivateur lourd => façons superficielles en fonction de la nature du terrain semis => roulage.

    Ou encore :

    Pâturage bref et à chargement élevé (pour que toute l’herbe soit consommée en quelques jours sans tassement en profondeur, ni disparition des racines profondes) ^ épandage d’engrais minéraux et de compost puis on continue comme dans l’exemple précédent.

    Ou encore :

    Fauche et séchage de la dernière coupe ou du regain, puis brûlage de l’herbe sèche et ensuite épandages et façons culturales comme dans les deux exemples précédents.

    Dans tous les cas, attention aux limaces, notez que fumier et compost peuvent également être épandus après le semis sur lequel ils forment un mulch protecteur.

    Vous voyez qprairies permanentes pousset (1)ue de nombreuses variantes sont possibles, trouvez celle convenant le mieux à votre situation.

    • Travail du sol et ressemis avec retournement

    On procède comme précédemment mais on termine la destruction de la prairie par un labour, léger si possible.

    Cette façon de faire est parfois commode pour obtenir un beau lit de semence mais elle peut présenter des inconvénients : pertes excessives d’humus, dégradation de la structure, mauvaise décomposition des matières organiques, difficultés d’implantation de la nouvelle prairie.

    Elle reste bien sûr préférable au labour direct de la prairie suivi d’un ressemis !

    • Travail du sol sans ressemis mais avec engrais vert

    Un engrais vert dans une prairie ? C’est possible et les résultats sont souvent intéressants.

    On opère de la façon suivante : tout d’abord, effectuez un scarifiage de la prairie, tel que celui décrit au paragraphe un mais au lieu de semer des graines de prairie (ou avec les graines de prairie) semez une plante engrais vert, le plus souvent une céréale d’hiver, avoine ou seigle. La vesce est également intéressante.

    Cette céréale se développe pendant l’hiver et au printemps suivant, son système radiculaire améliore la structure et active la vie microbienne ; facilitant ainsi l’installation ou la réinstallation des espèces prairiales intéressantes.

    Pâturage ou broyage au printemps, lorsque le sol est suffisamment ressuyé.

    C’est une technique qui me paraît assez souvent complémentaire de l’utilisation du sulfate de fer pour lutter contre les mousses apparaissant à la suite de surpâturages répétés ; surpâturages d’automne surtout, bien plus dangereux que les surpâturages de printemps, car ils compromettent davantage que ces derniers la reconstitution des réserves des plantes prairiales. Épandage ou pulvérisation de sulfate de fer => hersage pour arracher les mousses noircies => puis scarifiage et mise en place de l’engrais vert.

    Je précise que, bien entendu, toutes les pratiques évoquées ici s’inscrivent dans le cadre d’une agriculture écologique ; les techniques de destruction chimiques du gazon avant ressemis n’ont donc pas été évoquées, elles sont décrites dans la littérature spécialisée.

    Terminons en évoquant des essais de sursemis à partir de graines ajoutées aux aliments d’animaux au pâturage : passage dans le tube digestif de l’animal, puis retour au sol dans les bouses où elles trouvent un substrat pour lever. Quelques résultats positifs auraient été remarqués mais la réussite est trop aléatoire pour que cette technique soit pour l’instant envisagée autrement que comme une curiosité. Toutefois n’hésitez pas à l’essayer si le cœur vous en dit, elle est peut-être améliorable…

    Source : Joseph Pousset

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