BIODOC 17 – Le trèfle violet

  • le trfle violet joseph pousset permaculture (1)

    Avec l’aimable autorisation de Joseph Pousset, nous partageons avec vous aujourd’hui la fiche BIODOC n°17 :

    Le trèfle violet en agriculture biologique

    Son nom scientifique est Trifolium pratense ; c’est une légumineuse issue de la sélection du trèfle rouge, ou gros trèfle que l’on trouve à l’état spontané dans les prairies.

    Plante fourragère bien connue, on l’associe souvent au ray-grass d’Italie ou au ray-grass hybride. Plus productif que le trèfle blanc, sa végétation est assez lente. Il aime les terrains frais et supporte une certaine acidité mieux que la luzerne.

    1/Une plante fourragère utile dans de nombreuses situations

    Sa capacité à prospérer dans des terrains variés et sa force de concurrence vis-à-vis des adventices le rendent précieux pour peu que les sols conservent une humidité minimale pendant la belle saison.

    Il peut être semé dans une céréale récoltée en grains, à condition que celle-ci soit assez haute et que l’été ne soit pas trop pluvieux. En effet, dans le cas contraire, le risque que le trèfle soit trop développé au moment de la moisson est réel.

    le trfle violet joseph pousset permaculture (6)Dans les rotations comportant beaucoup de céréales ou de plantes sarclées, il peut constituer un relais intéressant pour allonger la succession culturale entre deux têtes de rotation. Il aide aussi à démarrer une conversion à l’agriculture biologique.

    S’il reste deux années en place, si possible en association avec une graminée comme le ray-grass d’Italie, il est même susceptible de constituer une tête de rotation. Cela suppose toutefois que l’on ne soit pas confronté à une pression excessive des adventices vivaces telles que chardon, liseron, rumex… car une tête de rotation de deux ans est brève. Facilite le rumex. Les graines de rumex semblent germer en abondance dans le trèfle violet. Il est possible que les sécrétions radiculaires de ce dernier lèvent plus ou moins leur dormance. Cela peut être un avantage si on veut réduire leur stock dans la terre, à condition que l’on empêche très soigneusement les plantes apparues de produire de nouvelles graines et qu’on les détruise complètement au moment de la suppression du trèfle, en empêchant toute multiplication végétative que provoque parfois une fragmentation mal maîtrisée du système souterrain de la plante.

    Sa fourchette de précocité est étendue et permet un échelonnement commode des périodes d’installation, de récolte et de pâturage.

    Toutefois, sa moindre pérennité que la luzerne constitue évidemment un handicap par rapport à cette dernière.

    A/Une production intéressante

    Le trèfle violet dure habituellement deux ans ou un peu moins ; au-delà, il risque de se salir et de constituer un moins bon précédent pour la culture suivante. Rappelons à ce sujet qu’une prairie temporaire dégradée et « fatiguée » ne peut constituer un excellent précédent cultural.

    Le maintenir depuis le printemps jusqu’à la fin de l’été de l’année suivante est raisonnable. On obtient une ou deux coupes la première année et deux ou trois la seconde année. Lorsque c’est possible, garder et mulcher la troisième coupe est excellent pour la fertilité du sol.

    Une production annuelle de cinq à huit tonnes de matière sèche est courante, matière sèche qui est plus riche en énergie et moins riche en matières azotées que celle de la luzerne.

    Le pâturage du trèfle violet, surtout pur, doit être conduit prudemment en raison des risques de météorisation. Adjoindre une graminée au trèfle diminue les risques et facilite fanage et ensilage.

    La récolte à graines donne environ deux à cinq quintaux par hectare. Nous en reparlerons plus loin.

    B/Installation du trèfle violet en sol nu ou sous couvert

    On le sème peu profondément au printemps ou en fin d’été, par exemple après une céréale : réalisez un lit de semence assez fin et rappuyé, n’hésitez pas à rouler après le semis si cela paraît utile. Un semis à la volée sur une terre bien préparée, suivi d’un hersage léger ou d’un roulage, peut constituer une excellente façon de faire.

    On le mélange souvent à du ray-grass italien ou hybride : dix à quinze kilogrammes par hectare de ray-grass pour quinze à vingt kilogrammes par hectare de trèfle violet.

    Semis en ligne ou à la volée ? Le second a ma préférence s’il est bien régulier avec un mélange des semences homogène. Semer avec un semoir en ligne dont on relève les organes d’enterrage au-dessus du sol donne d’excellents résultats ; travailler avec un épandeur à engrais à système oscillant est également très bon si le système de réglage est suffisamment précis.

    Si on craint de ne pas réussir à mélanger les semences de façon homogène on peut effectuer deux passages pour semer le ray-grass et le trèflele trfle violet joseph pousset permaculture (4) séparément.

    Le semis sous couvert de céréales s’effectue généralement au printemps, dans une céréale d’hiver ou dans une céréale de printemps. Le plus commode est de semer à la volée puis d’effectuer un hersage très léger et éventuellement un roulage pour incorporer superficiellement les graines.

    Dans une céréale d’hiver, semer le ray-grass en automne en le mélangeant à la semence de céréale et le trèfle à la volée au printemps est également possible.

    Dans tous les cas, on évite évidemment de sarcler énergiquement la céréale après l’installation du mélange trèfle violet plus ray-grass.

    Cette pratique est risquée dans une région dont les étés sont humides, surtout pour les céréales à paille courte (orge…) : le trèfle risque d’être trop haut lors de la moisson.

    C/Maladies

    Comme toutes les plantes le trèfle violet peut être victime de divers parasites et ravageurs dont le plus dommageable est peut-être un champignon, le sclerotinia, dont les dégâts pourraient expliquer sa modeste pérennité moyenne. Certains observateurs auraient remarqué que le sclerotinia serait particulièrement actif lors des étés secs.

    D/Récolte comme fourrage

    Le trèfle violet peut être récolté pur ou en association sous forme d’ensilage ou de foin, de préférence, au début de sa floraison. Notons qu’en culture pure, il manque de sucres pour assurer un ensilage de qualité.

    E/Exemple de conduite d’une culture de trèfle violet fourrager

    le trfle violet joseph pousset permaculture (2)

    II. Produire des graines de trèfle violet

    Je me souviens que lorsque j’étais jeune enfant un petit agriculteur de ma commune bretonne assurait le battage du trèfle violet. Les remorques et les charrettes défilaient chez lui pendant toute la fin de l’été. Les agriculteurs produisaient ainsi leurs propres semences. N’oublions pas qu’à l’époque les chevaux de trait étaient encore assez nombreux dans l’ouest de la France. Le trèfle violet était une des bases de leur alimentation.

    A. Les piliers de la réussite

    Plusieurs phases se succèdent dans le temps chacune doit être réussie pour que la production soit correcte. Ce sont, dans l’ordre, la floraison, la pollinisation, la maturation, la récolte et la conservation.

    La floraison est déclenchée par un phénomène de photopériodisme. Les variétés les plus précoces fleuriraient lorsque la longueur du jour atteint treize heures environ contre seize heures pour les plus tardives.

    La pollinisation est assurée par les insectes. On estime qu’un rendement de cinq quintaux par hectare nécessite la visite par les pollinisateurs (bourdons, abeilles…) d’au moins cent millions de fleurs ! C’est dire l’importance de populations d’insectes conséquentes et l’inquiétude qu’on peut avoir face à leur diminution actuelle du fait de diverses pollutions. On a aussi intérêt à faire coïncider la période de pollinisation de la variété qu’on cultive avec le moment où cette population est maximale.

    le trfle violet joseph pousset permaculture (3)La maturation a lieu dans les semaines suivant la fécondation des fleurs. Un temps sec la favorise. Certains insectes la perturbent comme les apions qui s’attaquent aux inflorescences et aux graines.

    Le quatrième pilier de la réussite est la propreté de la culture. On doit notamment enlever très soigneusement de cette dernière tous les rumex.

    La récolte doit être effectuée lorsque la maturité est suffisante, par temps sec, avec une machine bien réglée avec les bonnes grilles et bien conduite.

    Si c’est nécessaire triez et ventilez pour une bonne conservation. Si vous séchez à l’air chaud n’élevez pas trop la température de manière à ne pas altérer la faculté germinative des semences. Cinquante degrés constituent à mon avis un maximum.

    B/Installation de la culture à graines

    Si on vise spécialement la production de semences on a généralement intérêt à semer en terre nue et non pas dans une plante abri. Pourquoi ? Parce que l’expérience montre que cela permet généralement une meilleure récolte grâce à un démarrage plus rapide et homogène du trèfle et un peuplement plus dense.

    C/Variétés

    Ne semez pas en sol nu et au printemps une variété trop tardive car elle n’aurait pas le temps de bien exprimer son potentiel de production au cours de l’année. Installez-la plutôt en fin d’été pour une récolte l’année suivante. Ou alors semez-la au printemps mais sous abri, pour une récolte l’année suivante également.

    D/Lutte contre les adventices

    Lorsqu’on cultive du trèfle spécialement pour la production de graines la maîtrise des mauvaises herbes doit être particulièrement réussie. Dans le cas contraire la production est faible et les semences récoltées sont mélangées à des graines d’adventices parfois très difficiles à éliminer par le triage.

    Le sarclage binage est possible si la culture est semée en lignes espacées suffisamment c’est-à — dire d’une vingtaine de centimètres au moins. Lorsque l’écartement est important (40 cm) le sarclage est plus aisé mais la production semble en général plus faible.

    E/Quantité de semences

    Lorsque le semis a été effectué dans de bonnes conditions (très important) les meilleurs rendements sont habituellement obtenus avec une faible dose de semences, de l’ordre de 5 à 10 kg/ha ; dose à augmenter lors des semis sous couvert.

    F/Fumure

    Il est globalement admis que le terrain doit être bien pourvu en phosphore, potassium et oligoéléments pour que le trèfle violet réussisse. En fait cela veut dire tout et pas grand-chose. Beaucoup de nuances et de précisions seraient bienvenues…

    G/Conduite de la culture

    Lorsque le trèfle est semé au printemps en terre nue ou sous couvert, la première année ne donne habituellement pas lieu à une récolte de graines. On se contente la plupart du temps de faucher la culture, lorsqu’elle a suffisamment poussé, pour obtenir du fourrage.

    La seconde année on fauche une première coupe pour obtenir, là encore, du fourrage. On laisse ensuite fleurir et mûrir la repousse qui donne alors la récolte de graines attendue. Si les conditions climatiques sont bonnes cette seconde pousse est vigoureuse mais moins que la première. Avantages : elle verse moins, fleurit plus régulièrement, est plus accessible aux insectes. Par ailleurs elle a lieu à une période où il fait beau et où les insectes sont (ou devraient être) abondants. Maturité et récolte sont favorisées par l’ensoleillement.

    H/Profiter au mieux de la floraison

    Les variétés de trèfle violet sont rarement des lignées pures mais plutôt des « populations » composées d’individus présentant parfois des différences.

    Par définition les variétés tardives fleurissent tard. Leur première coupe doit donc être effectuée assez tôt, avant le début de la floraison. Dans le cas contraire la deuxième floraison récoltée à graines est faible.

    En conditions sèches où la végétation du trèfle n’est pas très luxuriante la récolte de graines est envisageable à la première floraison. À l’inverse : en conditions très « poussantes » effectuer la première fauche assez tard évite que la coupe à graines soit trop luxuriante.

    À chacun de trouver le meilleur itinéraire selon sa situation en fonction de toutes ces données plus ou moins contradictoires…

    I/Favoriser la pollinisation

    D’abord en ne détruisant pas les pollinisateurs naturels (bourdons, abeilles.) Par des produits toxiques ou la suppression de leurs habitats naturels (haies, bosquets.), éventuellement en installant des ruches d’abeilles domestiques (4 à 6 par hectare).

    J/Récolter et conserver dans de bonnes conditions

    Autrefois le trèfle à maturité était fauché puis mis en andains ou en tas qui devaient être remués et retournés par temps humide. Il était ensuite transporté jusqu’à la batteuse. Lorsque les conditions n’étaient pas bonnes et les manipulations nombreuses les pertes de gousle trfle violet joseph pousset permaculture (1)ses étaient importantes.

    La récolte directe à la moissonneuse batteuse permet de réduire les pertes à deux conditions importantes déjà évoquées : que le trèfle soit assez sec et que la machine soit bien réglée et dispose de grilles adéquates.

    K/Rendement

    J’ai évoqué un rendement de deux à cinq quintaux par hectare. Il s’agit là de résultats plutôt corrects. Soulignons surtout l’extrême variabilité de ce rendement selon les situations. La récolte « opportuniste » de graines dans une culture de trèfle fourrager produit parfois peu (moins de deux quintaux/hectare) mais peut rendre un grand service en évitant un coûteux achat de semences.

    L/Production pour la vente ou pour l’autoconsommation : des objectifs différents mais une nécessité commune, celle de la propreté de la récolte

    La production spécialisée de semences de trèfle ne peut être rentable pour le producteur que si elle est suffisamment performante. Elle nécessite une technicité particulière avec, notamment, semis soigné, éventuellement sarclages, choix de variétés bien adaptées au couple local sol/climat.

    Par contre l’obtention de semences pour l’autoconsommation apparaît plutôt comme un complément de la production fourragère. Elle a un caractère opportuniste : on récolte une parcelle ou une partie de parcelle où les conditions d’une bonne récolte semblent réunies pour des raisons qu’on n’a pas forcément maîtrisées.

    Mais dans les deux cas un très grand soin est requis pour obtenir des semences propres, exemptes notamment de graines de rumex comme je l’ai déjà souligné.

    Dans le cas contraire le praticien de l’agriculture biologique s’expose à de sévères difficultés au fil des années.

    Source : Joseph Pousset

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