BIODOC 19 – Attention au surpâturages
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Avec l’aimable autorisation de Joseph Pousset, nous partageons avec vous aujourd’hui la fiche BIODOC n°19 :
Attention au surpâturage en fin de saison
Le surpâturage des prairies, que ce soit par chargement excessif en bétail ou par temps de repos insuffisant de l’herbe (la forme plus dommageable à mon avis) est toujours néfaste (document biodoc n° 18). Mais lorsqu’il se produit en automne il est particulièrement dangereux, pourquoi ?
La pousse de l’herbe se ralentit à l’approche de l’hiver
Pendant la période sèche estivale l’herbe pousse lentement ; la végétation se réactive avec les pluies d’automne puis ralentit et s’arrête avec les premiers froids. Tout cela varie évidemment selon l’année et la situation géographique de la parcelle mais le processus est en gros toujours le même.
La reconstitution des réserves de l’herbe
Les graminées forment des réserves énergétiques dans leurs racines et à la base de leurs tiges. Ces réserves servent pour la repousse et doivent donc être suffisamment importantes pour que le redémarrage de la végétation après une coupe soit rapide et important. D’où la nécessité de temps de repos suffisants dans la pratique du pâturage tournant.
En automne la reconstitution de ces réserves est particulièrement importante car elle conditionne en grande partie le « départ » de la prairie au printemps. Réserves importantes = démarrage précoce des bonnes plantes fourragères = bonne production = concurrence efficace contre les adventices. Réserves faibles = démarrage tardif des bonnes plantes = faible production = peu de concurrence envers les adventices.
La tentation du « grattage final »
Lorsqu’il n’y a plus beaucoup d’herbe en fin d’année il est tentant de laisser les bêtes le plus longtemps possible et, éventuellement, de leur donner libre accès à de vastes secteurs pâturés « tant qu’il y a quelque chose à gratter ». C’est toujours cela d’économiser sur les réserves fourragères de l’hiver…
Mais c’est alors qu’on risque de compromettre la reconstitution des précieuses réserves des graminées et donc la production fourragère de l’année suivante.
Si en plus le sol est humide et que les bêtes le compactent par leurs nombreux déplacements nécessités par la faible densité de l’herbe les conséquences néfastes sont accentuées.[1]
La flore risque de se dégrader
Plantes prairiales peu productives mais résistantes se développent (fétuque rouge, agrostis…). L’une des rares espèces intéressantes qui tire son épingle du jeu est le trèfle blanc qui se trouve alors bien dégagé et se développe de façon excessive. Il s’agit souvent de trèfle à faible développement, peu productif.
Le pâturin commun n’est pas pénalisé non plus car il pousse beaucoup au printemps et se met plus ou moins au repos ensuite, le surpâturage d’automne l’affecte donc peu. Il le renforce même, surtout si on apporte une fumure azotée au printemps ; fumure alors plus nuisible qu’utile car elle favorise une pousse impressionnante mais fugace.
Mais les autres graminées souffrent et peu à peu apparaissent des zones de sol nu et des plaques de mousse qui s’élargissent, la production diminue de plus en plus ; les adventices deviennent envahissantes.
Si le surpâturage d’automne est systématique la détérioration s’accentue et un équilibre finit par s’établir autour d’une flore plus ou moins médiocre parsemée de zones nues et de mousses.
D’une façon générale donc le surpâturage d’automne conduit inexorablement à une dégradation plus ou moins accentuée de la prairie.
On finit par s’habituer à la médiocrité de certains herbages, médiocrité qu’on ne s’explique pas mais qu’on accepte comme une fatalité.
Bien entendu de nombreux autres facteurs provoquent le dépérissement de l’herbe (l’humidité excessive, acidité importante, exploitation erronée en cours d’année, fumure inadaptée, etc., etc.) mais le surpâturage d’automne est trop rarement pris en compte et corrigé. Il est vrai qu’il n’est pas forcément très visible au premier abord.
L’herbe doit repousser avant les froids
Nous devons obtenir et maintenir des prairies riches en « bonnes » plantes fourragères, autant que le couple sol/climat le permet. Pour cela divers moyens sont à notre disposition et parmi eux la manière de récolter l’herbe.
Les graminées reconstituent leurs réserves si on leur laisse le temps de repousser suffisamment avant de prendre leurs « congés d’hiver ». Enlevez les bêtes avant qu’elles aient « gratté ». L’herbe non exploitée n’est pas perdue : c’est un investissement précieux pour l’année à venir car les feuilles fabriquent ces fameuses réserves dont la plante a besoin au printemps.
Lorsque le gel va dessécher la végétation apparue un compostage de surface nourricier pour la vie du sol va se préparer, lui aussi constitue un investissement.
Et si vraiment on craint de manquer de fourrage il reste possible de faire pâturer cette herbe desséchée par le gel car elle aura alors joué son rôle d’usine à réserves ; à condition toutefois que le terrain soir suffisamment portant.
Pas d’interventions illusoires
Apports de fumure, sursemis, améliorations diverses n’ont qu’un effet limité tant que le surpâturage n’est pas supprimé : l’amélioration obtenue est forcément peu durable puisque la cause du mal subsiste.
Le pâturage tournant ne supprime pas tout risque
Une bonne rotation des parcelles pâturées permet une repousse suffisante de l’herbe si les temps de repos sont bien respectés (documents biodoc n° 10 et 21). Mais cela ne supprime pas le risque d’un dernier grattage excessif ; attention donc.
Des mesures d’accompagnement
Lorsque le surpâturage tardif a été identifié et supprimé plusieurs années sont parfois nécessaires au rétablissement de la prairie. Quelques interventions facilitent les choses :
- le hersage au printemps pour arracher les mousses et aérer le terrain; mousses préalablement traitées au sulfate de fer si c’est nécessaire ;
- une fumure de fin d’été pour favoriser la reconstitution des réserves des bonnes plantes fourragères. Un apport de fumier ou de compost est particulièrement bienvenu en sol maigre ;
- un sursemis d’espèces intéressantes, notamment Ray grass anglais ;
- éventuellement d’autres interventions plus particulières comme le semis d’un engrais vert (document biodoc n° 10). Le retournement et le ressemis, quand ils sont possibles, sont des interventions ultimes qu’il vaut mieux éviter.
Bien observer pour agir au mieux
Éviter le surpâturage d’automne ne signifie pas laisser quinze centimètres d’herbe dans toutes les prairies. C’est à chacun de juger jusqu’où il peut faire pâturer sans compromettre les forces vives de l’herbe. En climat doux l’herbe pousse presque toute l’année et les risques sont évidemment moins grands que dans les secteurs froids1 [2]. De la même façon ils sont moins grands en bonne terre qu’en sol pauvre.
Si pour une raison quelconque on est obligé de prolonger le pâturage des animaux au-delà du raisonnable il vaut peut être mieux «sacrifier»une ou deux parcelles de façon à préserver le potentiel de la plus grande partie de la surface herbagère. C’est un moindre mal.
[1] Notons à ce sujet qu’à l’inverse du surpâturage le piétinement au printemps est généralement plus dangereux que le piétinement en automne. Le sol compacté au printemps durcit avec la disparition progressive de l’humidité, celui compacté en arrière-saison se «refait» en partie avec l’humidité de l’hiver.
[2] Cela explique en partie des situations particulières où les animaux restent à l’herbe quasiment en permanence sans dommage pour les prairies.
Source : Joseph Pousset
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