BIODOC 24 – Produire plus dans les prairies « maigres »

  • prairies maigres

    Avec l’aimable autorisation de Joseph Pousset, nous partageons avec vous aujourd’hui la fiche BIODOC n°24 :

    Produire plus dans les prairies « maigres »

    L’herbe de bonne qualité est le meilleur aliment pour les herbivores et souvent le plus économique à produire. La prairie temporaire est une excellente tête de rotation et un des meilleurs moyens d’améliorer structure et vie microbienne de la terre. Laisser les terres difficiles en herbage est souvent judicieux.

    Beaucoup de qualités, donc ; malheureusement la production herbagère est très dépendante de la nature du terrain et de la pluviométrie estivale.

    Elle dépend également beaucoup de la manière dont elle est conduite, en particulier de la technique de pâturage, de la fréquence des fauches et de tout l’entretien dont elle est l’objet (coupe des refus, hersages éventuels, décompactages occasionnels, etc.).

    Mais si on suppose que toutes ces opérations sont bien gérées, il reste que certaines prairies produisent assez peu parce qu’elles sont « séchantes » ou trop humides ou sur sol trop superficiel, etc.

    Je ne parle pas ici des herbages « extrêmes » évoqués dans le document biodoc n° 11 ni de ceux qui sont dégradés (biodoc n° 10). Je pense simplement à des prairies plus ordinaires, bien tenues mais dont on voudrait augmenter la production, pour une meilleure sécurité fourragère. Surtout à notre époque d’incertitude sur l’évolution du climat et les risques accrus de sécheresses.

    Installer un fourrage sans détruire le tapis herbeux

    C’est le principe adopté.praires extremes joseph pousset (9)

    Puisqu’il semble vain, dans le cas de figure retenu, d’intensifier la production de la prairie en tant que telle, on décide d’y installer un fourrage qui cohabite avec l’herbe et dont la production s’ajoute à celle de cette dernière.

    Distinguons deux cas

    Celui de la prairie où l’herbe est abondante au printemps mais repousse très peu en été (c’est le cas des herbages constitués surtout de pâturins) et celui de la prairie où la production est faible toute l’année.

    suggestions pour ces deux situations

    Après essais en petites parcelles, observations diverses et recherches bibliographiques, je propose les manières d’opérer suivantes :

    fourrage secheresse (4)Dans le premier cas

    Effectuer des fauches de bonne heure pour que les graminées qui fleurissent tôt n’aient pas le temps de former trop de graines et de devenir ainsi envahissantes. Le déprimage (s’il n’abîme pas le terrain) présente un effet analogue.

    Parallèlement (sur une petite surface et à titre d’essai au départ) : grattage superficiel mais énergique du terrain après fauche ou pâturage ras ; semis à la volée de luzerne (inoculation éventuelle des semences), dactyle, fétuque élevée…

    Tout ceci en fin d’été, au plus tard vers le 20 septembre (dans la région parisienne) et au moment d’une pluie. Roulage après le semis sauf si le temps est humide.

    fourrage secheresse (4)Dans le deuxième cas

    Même processus : grattage énergique de la prairie en fin d’été mais cette fois on installe des plantes qui produisent en fin de printemps.

    Le trèfle incarnat est tout indiqué en raison de son étonnante capacité à germer sur terre dure. Il donne au mois de mai une coupe unique mais abondante et meurt ensuite (biodoc n° 23).

    La vesce, notamment la vesce velue ou vesce de Cerdagne (Vicia villosa) convient également. Elle s’installe bien sur une prairie griffée vigoureusement.

    Même chose pour ce qui est de l’avoine, notamment de l’avoine brésilienne (Avena strigosa) si le climat local n’est pas trop froid (sinon elle disparaît pendant l’hiver).

    On peut ainsi associer ces trois plantes et obtenir en mai juin une bonne coupe de fourrage sans pénaliser la production estivale habituelle de la prairie.

    L’avoine peut être remplacée par du seigle mais ce dernier durcit vite. La coupe doit donc être particulièrement précoce. Le ray-grass d’Italie fait également parfois l’affaire si le terrain est suffisamment fertile. Il subsiste après la première coupe mais laisse parfois des trous lorsqu’il disparaît, généralement après deux ou trois ans.

    DOSE DE SEMIS

    Pas de préconisation passe-partout dans ce domaine ; à chacun de tester diverses quantités de semences en fonction du terrain, du climat local et des objectifs recherchés.prairies permanentes pousset (2)

    Par exemple pour le mélange trèfle incarnat + vesce + avoine (ou ray-grass d’Italie) : pour l’ensilage ou l’enrubannage forcer sur les légumineuses (trèfle et vesce) ; pour le foin, forcez sur l’avoine ou le ray-grass ; pour le pâturage mettre une bonne proportion de légumineuses, notamment de trèfle incarnat, si on souhaite un apport important de matières azotées.

    On peut au départ et pour se faire la main adopter des proportions « moyennes », par exemple : 15 kg de trèfle incarnat, 30 kg de vesce velue (ou le double de vesce commune), 30 kg d’avoine brésilienne (ou 50 kg d’avoine commune). Surtout ne pas croire que puisqu’on mélange trois espèces on doit diviser par trois la dose de semis de chacune considérée séparément.

    TRAVAIL DU TERRAIN

    L’objectif est que les graines soient bien au contact de la terre mais la prairie doit être pénalisée le moins possible.

    La végétation préexistante doit toujours être très rase, le terrain très portant sans être trop dur, conditions souvent réunies dans nos régions après un arrosage modéré en septembre.

    La herse sarcleuse ou étrille est souvent un peu « faible » pour atteindre l’objectif. Les grosses herses munies de dents à couteaux conviennent bien ; le vibroculteur muni de dents à couteaux également. Les cultivateurs (Rotovator) sont souvent trop brutaux, exigent de la puissance et abîment inutilement le « fonds prairial ». Certains « régénérateurs » de prairie font parfois l’affaire. À chacun de voir en fonction de l’année, du terrain, du matériel dont il peut disposer.

    Des passages croisés sont souvent nécessaires pour atteindre le résultat.

    MODE DE SEMIS

    Tous les systèmes permettant une répartition homogène des graines sont utilisables. Les semoirs à deux trémies (une pour les semences type céréales et une autre pour les petites graines) sont particulièrement commodes. Ils permettent de semer les mélanges en un seul passage. Une répartition homogène à la volée est toujours préférable à un semis en lignes, surtout pour les petites graines (trèfle incarnat). Mélanger des graines de tailles différentes dans la même trémie est hasardeux (risque d’écoulement à des vitesses différentes). La combinaison semoir à céréales plus semoir électrique (pour les petites graines) est envisageable si le semoir électrique est suffisamment précis.

    Ne pas hésiter à effectuer deux semis croisés (avec deux appareils différents ou identiques) si on ne dispose pas du matériel permettant de tout semer en seul passage.

    Dans tous les cas effectuer des semis superficiels et bien rouler pour plaquer les petites graines au terrain (sauf en période pluvieuse).

    MODE D’EXPLOITATION

    Dans le cas numéro un (amélioration de la production estivale) les fourrages installés sont récoltés ou pâturés selon les techniques habituelles.

    Dans le cas numéro deux, foin, ensilage, enrubannage, pâturage sont possibles. Veiller à ne pas récolter le trèfle incarnat après le début de la floraison car ensuite il perd ses feuilles en séchant. Des accidents digestifs peuvent même se produire si les animaux ingèrent beaucoup d’inflorescences mûres (voir Biodoc n° 23Semer des prairies à base de mélanges d’espèces (7)).

    AJOUTER DES PLANTES PRAIRIALES ?

    Je me suis placé dans l’optique où la prairie n’a pas besoin d’être rénovée mais on peut bien sûr ajouter des semences de trèfle blanc, fétuques, ray-grass anglais, etc. si on l’estime utile.

    Ajouter des radis fourragers…

    Si le sol de la prairie a tendance à se compacter (par exemple parce que sa texture est sablo limoneuse) il est recommandable d’ajouter quatre ou cinq kilos de semences de radis fourragers aux graines qu’on utilise. Les racines pivotantes des radis vont contribuer à maintenir une bonne structure en profondeur et les parties aériennes fournissent un fourrage non négligeable.

    FAUT-IL RECOMMENCER TOUS LES ANS ?

    Lorsqu’on a installé dactyle ou luzerne dans la prairie pour en augmenter la production estivale il n’est bien entendu pas nécessaire de recommencer l’opération chaque année puisque ce sont des plantes pluriannuelles.

    Par contre les fourrages annuels comme le trèfle incarnat peuvent être installés chaque fois qu’on le juge utile si les résultats sont satisfaisants.

    DES ESSAIS PRÉALABLES INDISPENSABLES

    La réussite de la culture des fourrages additionnels dans les prairies dépend de nombreux facteurs propres à chaque situation. Elle peut être contrecarrée par la présence d’insectes du sol (larves de taupins, de noctuelles, de tipules…), par les produits libérés par la décomposition des débris d’agrostis blanche stolonifère, par des gelées précoces, etc.

    Il me semble donc indispensable d’effectuer quelques essais préalables sur des petites surfaces de manière à appréhender ses chances de réussite et à déterminer la meilleure manière d’opérer dans le contexte où l’on se trouve : espèces à privilégier, doses de semis, interventions de travail du sol, etc.

    Si les résultats ne sont pas au rendez-vous il vaut mieux abandonner, au moins temporairement.

    Quand on utilise la luzerne sur une parcelle qui n’en a pas porté depuis longtemps l’inoculation des semences est une précaution utile.

    Source : Joseph Pousset

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