BIODOC 20 – Sécheresse et prairies
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Avec l’aimable autorisation de Joseph Pousset, nous partageons avec vous aujourd’hui la fiche BIODOC n°20 :
Sécheresse et prairies : des atouts méconnus
La culture de fourrages bien choisis et utilisés de façon astucieuse est précieuse pour l’éleveur en période de sécheresse intense (document biodoc n° 13).
Mais savez-vous qu’un tel « accident » climatique a des effets très positifs sur le sol de certaines prairies ? Je devrais plutôt dire « pourrait avoir » car, la plupart du temps, ces bons effets ne se manifestent que partiellement, faute d’être connus et « accompagnés » ; je m’explique.
Si je vous dis « prairie desséchée », vous imaginez aussitôt une végétation jaune et rabougrie sur laquelle errent éventuellement quelques bovins amaigris.
L’aspect inquiétant ou même dramatique du grand manque d’eau vous vient spontanément à l’esprit. Certes vous n’avez pas tort, mais pas tout à fait raison non plus.Les plantes prairiales savent résister si on respecte certaines règles
Lorsque l’air est brûlant et que l’eau du sol est rare, les graminées fourragères ne disparaissent pas, elles se mettent en période de repos anticipé ; en fait, elles avancent leurs « congés annuels » en attendant des jours meilleurs.
Les parties aériennes (tiges et feuilles) meurent mais les racines, les apex (bourgeons placés au niveau du sol) et les plateaux de tallage (partie de la plante pouvant émettre des tiges ou talles) survivent (sauf aridité extrême) ; prêts à faire naître une nouvelle pousse en automne ou seulement au printemps prochain.
Mais attention ! Ceci ne pourra s’effectuer dans de bonnes conditions que si les prairies n’ont pas été surpâturées en fin de saison (août, septembre, octobre). Pourquoi ? Parce que c’est à cette période qu’elles reconstituent leurs réserves avant le repos hivernal. Dans le cas où cette reconstitution des réserves n’a pas pu s’effectuer dans de bonnes conditions la production de la prairie est sérieusement compromise pour l’année suivante.
Notez bien d’ailleurs que d’une façon générale, sécheresse ou pas, le surpâturage d’automne est bien plus dangereux pour l’avenir d’une prairie que le surpâturage de printemps.
En effet, au printemps, les réserves sont généralement reconstituées alors qu’en automne elles ont été épuisées par une année d’exploitation.
Le surpâturage d’automne systématique conduit, sauf cas particulier, à la dégradation progressive et inéluctable d’une prairie. (document biodoc n° 19)
A fortiori : lorsque l’été s’est révélé exceptionnellement sec pensez à exploiter en douceur les prairies lors de l’éventuel retour de la pluie en fin d’été ou en automne. Certes ce n’est pas facile quand on manque de fourrage.
Un apport de compost bien réparti ou même de fumier finement divisé est bienvenu au moment du retour de la pluie ; il facilite la reconstitution du tapis végétal.
Dans la mesure du possible ne mettez pas de bêtes sur une prairie complètement desséchée : elles n’y trouvent rien à manger et risquent d’abîmer les bourgeons de réserve par écrasement. Le fait qu’un terrain sec et dur supporte le compactage ne signifie pas que le piétinement des animaux soit inoffensif pour la prairie.La fissuration de la terre améliore la structure
La sécheresse intense entraîne une rétraction des argiles et donc l’apparition de fissures d’autant plus grandes et nombreuses que la terre est, précisément, argileuse. Ces fissures constituent des voies de pénétration pour l’air et l’eau et permettent un développement plus aisé des racines. Les tassements antérieurs, notamment par le piétinement des animaux pendant les périodes humides, se trouvent ainsi au moins partiellement « guéris » d’une façon inespérée et avec une efficacité supérieure à celle des meilleures machines de décompactage. La question posée est alors la suivante ; comment conserver le plus longtemps possible cette structure améliorée ?
En sol argilo calcaire c’est assez facile, veillez surtout à ne pas laisser se reproduire les facteurs de dégradation et tout particulièrement le piétinement des animaux sur terre humide. En sol léger et acide c’est plus délicat ; les fissures risquent d’être rapidement colmatées par les particules fines de sable ou de limon que la pluie de l’hiver va entraîner en profondeur.
La situation n’est pourtant pas sans issue et on peut intervenir de plusieurs façons :
– en évitant bien sûr tout compactage intempestif,
– en apportant en fin de période sèche un amendement calcaire pour favoriser la combinaison de l’argile et de l’humus capable « d’emprisonner » les particules de terre qui seraient restées libres autrement (je n’insiste pas sur cette importance connue d’un bon complexe argilohumique),
– en effectuant dans la mesure du possible un assainissement si l’acidité est liée à un excès d’eau habituel ; noter que cet assainissement peut être réalisé par divers moyens connus (fossés, drains…), mais aussi par des arbres (peupliers, saules, aulnes, trembles, frênes…) ; vous qui souhaitez pratiquer une bonne agriculture écologique pensez-y, car le déboisement à l’échelle de la planète est actuellement très préoccupant.
Vous aurez ainsi contribué de votre mieux à conserver cette bonne structure que la sécheresse avait permise.
Alors, la sécheresse serait-elle un bienfait pour les prairies ?
Je ne suis pas loin de penser que des périodes sèches pas trop fréquentes peuvent l’être ; encore faut-il savoir et pouvoir en tirer tout le bénéfice possible et ne pas être trop pénalisé sur le plan des réserves fourragères.Source : Joseph Pousset
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