Pourquoi le Bioéthanol ne remplacera pas l’essence
-
Document de travail I.T.A.N.
Le bioéthanol est fabriqué par fermentation à partir de végétaux contenant du saccharose (la betterave, la canne à sucre, …) ou par hydrolyse de l’amidon (blé, maïs, …). L’éthanol ainsi obtenu est mélangé à l’essence, dans des proportions allant de 5 à 85%. Ce mélange peut ensuite être utilisé comme carburant pour les moteurs de voiture. Le gouvernement français a autorisé depuis 2006 le développement du Super-ethanol E85, qui contient 85% d’éthanol et qui a l’avantage de pouvoir être utilisé dans les moteurs « flexfuel » (moteur qui fonctionnent aussi bien à l’essence qu’à l’E85).
Cette nouvelle source de carburant semble une véritable aubaine. Pourtant, il n’existe en France que 500 pompes de bioéthanol, ce qui est très peu pour une véritable généralisation.
Annoncé comme étant « l’essence verte », le bilan de ce carburant est pourtant loin d’être aussi positif que ce que l’on pourrait croire. On peut en effet affirmer que le bioéthanol ne remplacera pas l’essence actuelle, et ce pour plusieurs raisons : tout d’abord, parce que l’argument de « plus écologique » ne tient pas. Ensuite parce que la production de ce carburant est un danger pour l’agriculture en général et l’approvisionnement planétaire en nourriture, et enfin parce que l’argument financier que certains tenteraient d’avancer est lui aussi un leurre.
Commençons par un point très sensible en ce moment : l’écologie.
La consommation d’essence et la production de CO2 qui en découle est une partie importante de ce problème. Les différents successeurs potentiels de l’essence se doivent donc de montrer patte blanche à ce propos. Il est un fait indiscutable : le taux de CO2 dégagé par la combustion du bioéthanol est largement inférieur à celui dégagé par l’essence (entre 20 et 60% de moins) et l’on pourrait considérer ce dégagement nul puisqu’il s’agit du CO2 que les plantes avaient absorbé durant leur croissance. Une sorte d’équilibre, si l’on peut dire. Mais si les gaz à effet de serre et le benzène dégagés sont inférieurs lors de la combustion, il produit en revanche deux composés organiques volatils : l’acétaldéhyde et le formaldéhyde. Ces composés chimiques sont dangereux : le formaldéhyde provoque des cancers divers et l’acétaldéhyde est très toxique lorsqu’il est inhalé.
Mais pour avoir un réel aperçu du problème, il ne faut pas tenir uniquement compte des matières dégagées lors de la combustion. En effet, le bioéthanol nécessite une biomasse organique pour pouvoir être produit et souvent une utilisation massive de pesticides et nitrates. L’agriculture intensive qui résulte des besoins de cultures supplémentaires accroit les problèmes liés aux engrais chimiques, au labour et à l’érosion progressive des terres arables. Les parcelles utilisées pour la production de biocarburant sont autant de terres qui ne seront pas mise en jachère pour leur restauration, et qui ne pourront pas servir pour les cultures alimentaires. Cet appauvrissement de la terre est aussi un enjeu écologique majeur. Il faut de 3.500 à 5.000 litres d’eau suivant les conditions météorologiques pour produire 1 litre de bioéthanol. La production des biocarburants peut entraîner une détérioration de la nature. Avec les rendements agricoles actuels, il faudrait l’équivalent de quatre à six planètes Terre pour produire suffisamment d’éthanol et d’huile afin de remplacer toute l’énergie fossile consommée dans le monde.
Ce problème de terrain est déjà présent avec le manque de place pour les cultures alimentaires, sans avoir besoin d’être encore amplifié par la production de maïs ou de blé destinés à l’éthanol. Ce phénomène ne pourra entrainer qu’une seule chose : l’accélération de la déforestation, directement ou indirectement. Si les pays européens veulent rester indépendants vis-à-vis de leur approvisionnement en bioéthanol, il reste néanmoins une contrainte naturelle : pour un hectare de plantation, le Brésil produit 6.000 litres de carburant contre seulement 1.200 litres pour la même parcelle qui serait située en Angleterre, et ce pour un prix deux fois inférieur, qui plus est. Les cultures les plus efficaces pour le bioéthanol sont en effet les cultures tropicales. Selon plusieurs ONG; les surfaces occupées par la canne à sucre plantée pour le biocarburant empiètent souvent sur des pâturages, sur la forêt amazonienne ou sur le cerrado qui est le meilleur sol brésilien. Un dossier paru dans Courrier International explique : « il est évident que le Brésil devra utiliser ses immenses étendues de forêt pour répondre à la nouvelle donne énergétique ; il est tout aussi évident que la destruction de la forêt entraînera un désastre écologique qui affectera l’ensemble de l’humanité. »
L’utilisation à grande échelle de bioéthanol sous-entend l’utilisation de très grandes surfaces agricoles pour la production de maïs ou de canne à sucre. Il y a un risque certain de compétition entre les besoins alimentaires de la population de la planète et les besoins énergétiques de nos voitures. Le développement des biocarburants tire vers le haut les prix du maïs, du soja et du blé, et vers le bas la surface cultivable pour se nourrir et les ressources en eau. Dans certaines régions, le prix des aliments de base a déjà commencé à monter (par ex.: maïs au Mexique). Des experts annoncent des hausses de prix énormes sur toutes les denrées alimentaires de base dans le monde entier ; par exemple +41% pour le maïs d’ici à 2020 ; +76% pour les oléagineux (colza, soja, tournesol) ; +30% pour le blé ; +135% pour le manioc qui est un aliment crucial dans les pays les plus pauvres.
Si les prix alimentaires restent connectés à ceux du pétrole, ce sont 1,2 milliards de personnes qui risquent de ne pas manger à leur faim d’ici 2025.
Puisque nous en arrivons à parler de prix, parlons aussi de celui du Super-ethanol. Le ministre de l’économie a répété que la partie éthanol de ce carburant ne serait pas soumise à la taxe intérieure sur les produits pétroliers, pour encourager son développement. Son prix serait donc fixé à 0,80 € le litre. Du moins, jusqu’à ce qu’il n’ait plus besoin d’être encouragé, sachant que le prix réel de la production du bioéthanol est encore globalement supérieur à celui de l’essence. Mais même à 0,87 €, on peut faire un bref calcul : le bioéthanol a un rendement énergétique légèrement supérieur à celui de l’essence mais son utilisation dans nos moteurs fait qu’il faut deux tiers d’un réservoir d’essence pour parcourir la même distance qu’avec un réservoir plein d’éthanol. Donc, pour un litre d’un carburant équivalent à l’essence, on a en réalité le prix de quatre tiers de litre de bioéthanol, soit 1,06 € le litre. En cette fin du mois de mars 2008, le litre d’essence est en moyenne de 0,94 €. Donc même avec son régime de faveur, le bioéthanol reste plus cher.
Ainsi, ce Super-ethanol est loin d’être un super carburant : pour un rendement énergétique assez peu supérieur, le bioéthanol perd très vite son blason doré quand on commence à prendre en compte tous les paramètres, de sa plantation à son utilisation, en passant par sa fabrication. Plus cher que l’essence, dont il sera de plus toujours dépendant puisqu’il ne peut être utilisé concentré à 100%, et les conséquences de son utilisation mondiale seraient au moins équivalentes, voir bien pires que celle du pétrole. Les simulations américaines de l’utilisation généralisée du E85 font apparaitre une augmentation fulgurante des problèmes respiratoires, et la production massive de ce carburant serait un véritable suicide écologique. Le bioéthanol ne sera pas le successeur de l’essence. Une voie est peut-être possible avec les biocarburants de seconde génération, ceux qui sont produits à partir de déchets végétaux et à base de cellulose. Leur rendement pourrait peut-être être meilleur que celui de la première génération.
Bibliographie :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Bio%C3%A9thanol
http://www.caradisiac.com/php/actu enq/enq/budget/299/biocarburant.php http://www.bioethanolcarburant. com/
http://www.reforme.net/archive2/article.php?num=3193&ref=1774
http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89thanal
Viviane Parent
15 mars 2008 -
-
Il n'y a pas encore de commentaire pour cet article, faites vivre le site en laissant vos commentaires, impressions et réactions.
Les opinions émises par les internautes n'engagent que leurs auteurs. Permaculteurs se réserve le droit de suspendre ou d'interrompre la diffusion de tout commentaire dont le contenu serait susceptible de porter atteinte aux tiers ou d'enfreindre les lois et règlements en vigueur, et décline toute responsabilité quant aux opinions émises, qui n'engagent que leurs auteurs.
-
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour publier un commentaire.