Doit on renoncer à la taille?

  • Note de l’Institut Technique d’Agriculture Naturelle

    La taille est un art ; sans doute le plus subtil des arts agricoles. Ceux qui la pratiquent comptent sur elle pour augmenter le rendement ainsi que la taille des fruits. Mais ce gain indiscutable s’accompagne d’effets qui l’effacent totalement. Cette corvée prend beaucoup de temps et nécessite une main d’œuvre qualifiée, de plus en plus rare. Les blessures occasionnées aux végétaux entraînent des maladies cryptogamiques difficiles à combattre et favorise la diffusion de maladies virales mortelles et incurables. La réduction brutale des branches conduit la sève à gonfler anormalement les bourgeons restants. Les jeunes rameaux sont alors trop riches en sucres (phénomène de turgescence) ce qui ne manque pas d’attirer une multitude de parasite piqueurs tels qu’acariens, cochenilles, pucerons, ciccadelles et thrips. Les traitements insecticides sont alors incontournables. Enfin, la taille des branches, quand elle n’est pas accompagnée d’une taille des branches, provoque un déséquilibre du rapport sève élaborée sur sève brute que l’arbre rétabli seul en laissant mourir certaines de ses racines. Mais ces racines mortes sont une source d’infection qui gagne souvent le tronc. Toutes ces raisons font que la taille réduit considérablement la durée de vie des arbres fruitiers, au moins de moitié.

    C’est pourquoi l’agriculture naturelle conseille de circonscrire la taille à un usage exceptionnel. Le postulat de départ est que l’arbre possède en lui-même sa logique et son équilibre propre. A nous de le mettre à profit de la meilleure façon.

    taille des arbres (1)L’optique principale est d’abandonner la taille, afin de laisser l’arbre agir « par lui- même ». Néanmoins, pour appliquer cette méthode, il convient de respecter certaines règles préalables. De plus, certaines exceptions sont à concéder, dans certains cas clairement délimités.

    On peut distinguer trois types de taille : la taille de formation, la taille d’entretien et la taille de mise à fruit. Nous verrons pour chacune de ces tailles comment procéder afin de les éviter, ainsi que les exceptions possibles à la règle, et enfin les façons d’effectuer cette taille.

    La taille de formation

    En agriculture naturelle, la taille de formation est proscrite car il est nécessaire de laisser l’arbre croître selon sa propre logique. Chaque arbre possède son équilibre et la taille serait de nature à le briser.

    La taille de formation est donc proscrite. Il convient de respecter une condition indispensable : prévoir un espace suffisant entre les arbres afin qu’ils ne se gênent pas. En effet si trop d’arbres sont plantés dans un espace insuffisant, leurs branches vont se gêner et leur développement sera compromis. De plus, cela privera les cultures associées, présentes au sol, d’une luminosité suffisante. D’ailleurs, lorsque l’on souhaite cultiver sous les arbres, il est préférable que la surface du sol surplombée par les branches ne soit pas supérieure à 50% de la surface totale du terrain. Une plantation trop dense contraint à utiliser une méthode non- naturelle (la taille) pour remédier aux problèmes engendrés par une autre pratique non- naturelle (une trop grande densité d’arbres sur un espace donné).

    Dans le cas où l’on est malgré tout contraint de contenir le développement de l’arbre par manque de place, une règle est alors à respecter : il faut éviter au maximum de supprimer du bois sur l’arbre car il y a toujours un équilibre entre le volume des branches et le volume des racines. Ainsi, si l’on coupe des branches, on devra par la suite couper un volume correspondant de racines, ce que l’on appelle le cernage. Cette méthode est très destructrice.

    Mais si on coupe du bois sans couper les racines correspondantes, ces dernières meurent, ce qui engendre des caries qui vident le cœur de l’arbre.

    La bonne méthode pour éviter de couper du bois est d’anticiper, ce qui implique une observation de l’arbre afin de comprendre sa logique de croissance. Cela implique aussi une taille continuelle plutôt qu’une taille « par à-coup ». Une fois cette compréhension acquise, lorsque l’on souhaite stopper le développement de l’arbre dans une direction précise, on pince un bourgeon afin de le retirer et ainsi stopper le développement de la branche correspondante. L’avantage de cette méthode réside dans le fait l’arbre ne produit pas de racines que l’on devra détruire par la suite. C’est une taille « en amont » si l’on peut dire.

    La taille d’entretien

    Le deuxième type de taille est la taille d’entretien. Si l’espace pour chaque arbre est suffisant, cette taille peut (et doit) être évitée.

    On peut malgré tout donner deux exceptions à ce principe :taille des arbres (1)

    – Dans le cas où certaines branches basses de l’arbre représentent une gêne pour le passage des êtres humains, des animaux ou des végétaux vivants sous l’arbre, il est alors souhaitable de les couper.

    – Dans le cas où les branches de l’arbre empêchent la lumière de passer jusqu’aux cultures associées situées sous l’arbre (parce que les arbres ont été plantés trop densément), on doit effectuer une taille d’éclaircissement. On choisira alors de couper en priorité les branches malades ou bien celles qui se croisent.

    – Une troisième exception peut être faite pour les arbres qui ont connu une taille régulière dans le passé, car ils se sont en quelque sorte « habitués » à cette taille. En effet, des arbres qui ont été taillés depuis fort longtemps ont perdu leur équilibre fondamental à force d’être contraints par une volonté extérieure, et leurs branches sont alors susceptibles de se croiser.

    La taille de mise à fruit

    La taille de mise à fruit consiste à tailler les arbres justes avant la période de fructification afin de booster cette dernière. En agriculture naturelle étagée, cette taille est proscrite car elle a pour conséquence de fatiguer l’arbre anormalement. Cette absence de taille n’engendrera pas une baisse de la production car les arbres et les arbustes non-taillés ont des floraisons régulières et abondantes durant une vie plus longue.

    La vigne aussi doit échapper à la taille. A ceci prêt qu’elle est une liane et non un arbuste, Du coup, on prendra soin de placer chaque plant de vigne à proximité d’un arbre ou d’un prunier par exemple) afin de lui permettre de grimper sur lui. La vigne ne présente aucun danger pour l’arbre en question, et il continue à fructifier. La récolte se fait ensuite à l’échelle comme pour une treille ou une tonnelle. La taille d’entretien se réduit alors à couper au sécateur les sarments qui retombent au sol.

    Il est donc conseillé de renoncer à la taille. Mais ce principe nécessite une vision d’ensemble. Tout d’abord il est crucial de laisser suffisamment de place aux arbres pour leur développement, ainsi que pour laisser une bonne luminosité aux cultures associées.

    Si la taille devient inévitable pour ces raisons, il convient autant que possible d’opérer une taille continuelle « en amont », afin d’empêcher le développement d’une branche plutôt que de la couper après son développement, ce qui perturbera l’arbre qui a développé des racines en conséquence.

    Axel Maunoury
    23 mars 2010

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      Gilou24 -

      Bonjour Axel,

      La taille d'hiver a été instituée parce qu'en hiver, il y avait moins de travail aux champs... une taille en vert (simples pincements des bourgeons au printemps ou en été) est beaucoup moins contraignante et donc nuisible à l'arbre. Je dis cela pour ceux qui souhaitent tout de même tailler.
      Mais, personnellement, je partage ton avis et ne taille plus en formation.
      En cas de besoin (arbre déséquilibré par exemple), j'opère parfois en vert pour ré-équilibrer l'arbre... J'élague néanmoins les branches mortes.
      Voici les observations que j'ai pu faire à ce sujet :
      - contrairement à ce que l'on prétend (et c'est d'ailleurs ce que l'on m'a appris en formation de tailles fruitières...), la taille ne fortifie pas le tronc de l'arbre (En fait, on peut avoir cette illusion parce que l'arbre devient plus trapu) et n'accélère pas non plus la fructification ;
      - si l'on ne taille pas, on observe pour de nombreuses espèces, un phénomène d'alternance plus marqué (c'est d'ailleurs l'un de objectifs de la taille) - L'alternance, c'est le fait qu'une année sur 2 ou 3, l'arbre ne produira pas, ou peu... on a donc en effet une production un peu moindre sur cette période de temps. Mais ce phénomène tend à s'estomper au fil des ans ;
      - les arbres non taillés sont nettement moins atteints par les maladies cryptogamiques et également peu sujets à des attaques parasitaires virulentes (pas de pucerons par exemple)
      - un arbre non taillé vit plus longtemps (ce qui compense encore la perte éventuelle de production...). J'ai déjà pu le constater avec des pêchers (certains, taillés depuis le début) sont en dépérissement total (ils ont entre 15 et 20 ans... d'autres, du même âge, sont en pleine production et parfaitement sains... et ce sans doute pour encore quelques année. Pour les fruitiers vivant naturellement plus longtemps, il me faudra attendre quelques années pour faire ce constat... mais je ne doute pas qu'il sera le même.

    Une réponse à “Doit on renoncer à la taille?”

    1. Avatar Gilou24 dit :

      Bonjour Axel,

      La taille d’hiver a été instituée parce qu’en hiver, il y avait moins de travail aux champs… une taille en vert (simples pincements des bourgeons au printemps ou en été) est beaucoup moins contraignante et donc nuisible à l’arbre. Je dis cela pour ceux qui souhaitent tout de même tailler.
      Mais, personnellement, je partage ton avis et ne taille plus en formation.
      En cas de besoin (arbre déséquilibré par exemple), j’opère parfois en vert pour ré-équilibrer l’arbre… J’élague néanmoins les branches mortes.
      Voici les observations que j’ai pu faire à ce sujet :
      – contrairement à ce que l’on prétend (et c’est d’ailleurs ce que l’on m’a appris en formation de tailles fruitières…), la taille ne fortifie pas le tronc de l’arbre (En fait, on peut avoir cette illusion parce que l’arbre devient plus trapu) et n’accélère pas non plus la fructification ;
      – si l’on ne taille pas, on observe pour de nombreuses espèces, un phénomène d’alternance plus marqué (c’est d’ailleurs l’un de objectifs de la taille) – L’alternance, c’est le fait qu’une année sur 2 ou 3, l’arbre ne produira pas, ou peu… on a donc en effet une production un peu moindre sur cette période de temps. Mais ce phénomène tend à s’estomper au fil des ans ;
      – les arbres non taillés sont nettement moins atteints par les maladies cryptogamiques et également peu sujets à des attaques parasitaires virulentes (pas de pucerons par exemple)
      – un arbre non taillé vit plus longtemps (ce qui compense encore la perte éventuelle de production…). J’ai déjà pu le constater avec des pêchers (certains, taillés depuis le début) sont en dépérissement total (ils ont entre 15 et 20 ans… d’autres, du même âge, sont en pleine production et parfaitement sains… et ce sans doute pour encore quelques année. Pour les fruitiers vivant naturellement plus longtemps, il me faudra attendre quelques années pour faire ce constat… mais je ne doute pas qu’il sera le même.

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